jeudi, août 31, 2006

A Journey Into Female Music Part 1

En parallèle de mes chroniques habituelles, je posterai chaque mois mes impressions sur quelques disques de chanteuses ou de groupes avec des filles dedans qui m'auront plu, des trucs découverts ou redécouverts au fil de mes pérégrinations chez mon disquaire préféré. Voilà, c'est tout.

Laurie Anderson, Big Science.

C’est Rodrigo, mon amant Chilien, qui me parla de Laurie pour la première fois. Apparemment, son père était raide dingue de cette femme et lui avait transmis le virus. Curieux, je télécharge un ou deux titres. Mouais, sans plus. 6 mois plus tard, je tombe sur un de ses albums dans un bac à cheapos chez Médéric. Big Science. Un disque qui ne ressemble à aucun autre, transcription studio d’un concert de plus de 8 heures qu’elle avait donné à New York au début des années 80. De l’anti-musique par excellence, expérimentale et viscérale par essence. Je crois pas avoir entendu un truc pareil en plus de 20 ans d’écoute. Laurie ne chante pas. Elle parle. Des spoken words déclamés sur un lit de clous, trame sonore à la fois minimaliste, répétitive, absurde et épique. Une version cynique et androïde de Lydia Lunch. Description d’un monde qui répond aux abonnés absents. Ces textes et cette musique m’évoquent deux films en particulier : Hardware de Richard Stanley (c’est prégnant dans les sons utilisés, du farfisa trafiqué jusqu’aux synthés glaciaux) et Kairo de Kyoshi Kurosawa (cette scène effroyable où les protagonistes voient un avion s’écraser). Bref, un disque à écouter seul chez soi dans un accès de misanthropie, quand t’as envie que tout le monde crève.

Cathy Davey, Something Ilk.

La curiosité a toujours du bon. Sans cette qualité, je me serais retrouvé orphelin d’un bon disque de plus. Cathy Davey est Irlandaise, blonde comme les blés, chétive et craquante. Elle a la voix d’une adolescente de 15 ans, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de la chanteuse d’Honey Is Cool (pop suédoise parfaite, j’en parlerai une prochaine fois). Son premier album est sorti en 2004 et c’est une bombe à retardement. En effet, son Something Ilk a longtemps traîné dans mes bacs sans que j’y prête attention. Trop de trucs à écouter. Et puis un jour j’y jette une oreille. Puis deux. Puis sa galette tourne en boucle sur ma platine. C’est toujours comme ça. Le genre de disque insignifiant au premier abord, mais qui se révèle vite, aussi bien par sa simplicité désarmante que par son évidence géniale, tout bonnement indispensable. Pop des beaux jours, musique du soleil, des tubes à la pelle. Anglaise par définition (elle doit beaucoup aimer Echobelly et les Boo Radleys), mais pas que (les Lemonheads et PJ Harvey tiennent une grande place dans son cœur), sa musique est un remède on ne peut plus parfait contre la morosité ambiante, accompagnant ces soirs où tu n’as plus goût à rien parce que tout le monde est parti faire la fête sans te prévenir (comme d’habitude). A écouter juste avant d’aller se coucher, en buvant un dernier verre de Scotch, histoire de s’endormir avec le sourire aux lèvres, pas trop déprimé.

Linda Hoyle, Pieces Of Me.

J’aimais beaucoup les deux albums de son ancien groupe, Affinity. Rock bluesy psychédélique avec une vraie belle voix féminine, du genre de celles qui remuent les papillons cachés dans ton ventre. Je les écoute régulièrement, c’est un fait. Mais pas autant que son seul et unique essai en solitaire, Pieces Of Me. Là, on atteint des sommets rarement égalés dans l’histoire de la musique au féminin. Vocalement, Linda est à son apogée. Je te mets au défi de fermer les yeux et de me dire, à la première écoute, si la belle qui s’époumone au micro est une diva de chez Motown ou une chanteuse italienne de cabaret. Musicalement, c’est un festival de sons hauts en couleurs. Jazz, soul, blues, heavy rock, le mélange est parfait, toujours harmonieux, jamais lourdingue. On passe allégrement de boulettes furieuses et enflammées (Black Crow, le morceau titre Pieces Of Me) à des chansons intimistes capables de faire pleurer à chaudes larmes (For My Darling, Lonely Woman), toutes touchées par la grâce de la guitare du légendaire Chris Spedding. Quant à Rapid Tulips, elle préfigure carrément le Impossible de Christina Aguilera tout autant que le If I Ain’t Got You d’Alicia Keys. Les textes méritent également que l’on s’y attarde, fustigeant le gouvernement Nixon dans sa gestion du conflit Vietnamien (Backlash Blues) et célébrant Valerie Solanas, la New Yorkaise derrière le célèbre SCUM Manifesto (Hymn To Valerie Solanas). Bref, un disque moderne et pas anachronique du tout, même 35 ans après sa sortie.

Chaka Khan, Rufusized (Rufus featuring Chaka Khan).

La carrière de l’artiste Afro-américaine est foisonnante. Beaucoup d’albums solos dispensables sortis dans les années 80 (cette décennie de merde n’aura pas été tendre pour les soul womans, et je parle même pas de la fin des 70’s et de l’avènement du disco), en dents de scie dans les années 90 (sa contribution au All Good de DeLaSoul est tout ce qui reste à sauver). Par contre, tu peux te ruer sans hésiter sur son Chaka sorti en 1978 (avec I’m Every Woman, le tube intemporel par excellence), ainsi que les six albums écrits en collaboration avec le groupe Rufus, de 1973 à 1978 (le Masterjam de 1979 est une sombre merde par contre). De cette période bénie, j’aimerais surtout retenir ce Rufusized, condensé apocalyptique de tout ce que j’aime dans la soul féminine. Des instrus langoureuses et toujours dancey as fuck qui mettent en valeur la voix exceptionnelle de Chaka. Isaac Hayes meets Les Rues De San Francisco (forever Karl Malden), les cuivres s’emballent et suivent tant bien que mal des riffs de guitare qui funkent en roue libre, tandis que les claviers installent des ambiances propices au remuage de popotin et que Chaka chante (de la plus belle des manières) qu’elle est une femme et qu’on ferait mieux de ne pas la chercher.

Mandy Morton & Spriguns, Magic Lady.

Suis tombé sur ce disque chez Médé. Un peu par hasard, à vrai dire. Pochette ésotérique. Disque bleu. Une chanson, Music Prince, qui me rend dingue à chaque fois que je la passe. Le morceau folk parfait. Tout l’album est comme ça (Magic Lady). Un recueil de comptines qui te redonnent le moral ou t’allongent en 3 minutes. On peut considérer ce disque comme son premier en solo, même si elle reste accompagnée par les membres de son ancien groupe (Spriguns Of Tolgus), dont son mari, Mike Morton. 12 chansons aux influences très diverses, allant de la ballade folk classique à la fresque progressive teintée de mélodies d’inspiration médiévale, en passant par quelques tubes carrément plus rock et rythmés, avec en ligne de mire ce même point commun : la voix incroyablement dense et profonde de Mandy.

Genya Ravan, Goldie Zelkowitz.

Tout le monde se souvient de Janis Joplin. Même sans avoir écouté le moindre de ses morceaux, son nom reste gravé à jamais dans l’inconscient collectif. Evidemment, on ne peut pas en dire autant de Genya Ravan. Peut-être parce qu’elle n’est pas morte à l’apogée de sa carrière ou qu’elle ne vivait pas le rock’n’roll lifestyle des 70’s à 200%. Toujours est-il que l’ex-chanteuse des Ten Wheel Drive reste une des plus talentueuses divas que la soul aie connu. Des concerts aussi intenses et physiques que ceux de Tina Turner à la grande époque, une paire d’albums grandioses, dont surtout ce Goldie Zelkowitz sorti en 1974. On y retrouve aussi bien les senteurs bucoliques du bayou américain (en atteste la reprise hallucinée du Whipping Post de Gregg Allman) que la chaleur du pavé de Detroit (les pontes de Motown aurait du faire preuve de courage et la signer sur leur label). Un voyage en compagnie de la voix de Genya, tour à tour sauvage (Little By Little), exubérante (Easy Lady), sensuelle (Breadline), vocalement très proche de Prince sur son Purple Rain (de murmures lascifs en déchaînements lyriques incontrôlables), rendant ce disque incontournable pour tout adepte de groove obscur et viscéral.

I Don't Wanna Party

“I don’t wanna party, I just wanna drink, I don’t want to socialize with people who can’t think, leave me alone is my advice, I don’t like your kind and I won’t compromise. I don’t wanna party with you, you and you. Cultural buzzword number one, party hard if you wanna have fun, boring clones is all I see, with identities bought from MTV.”

C’est une chanson des Sunday Morning Einsteins. Elle résume bien la misanthropie latente qui m’étreint en cette heure tardive. Ce soir je suis sorti, comme presque tous les soirs. Mais le cœur n’y était pas. Trop de cons, trop de gens que j’avais pas envie de voir. Alors j’aurais peut-être pas dû foutre le nez hors de chez moi. J’aurais peut-être pas dû aller aussi loin de chez moi. Depuis quelques temps, je me suis délimité un périmètre de sécurité qui exclut une bonne partie de la ville. J’habite au centre de trois points névralgiques, trois endroits qui font que je me sens bien ici, à Metz. La Face Cachée, le repère de Médéric, un shop rempli de disques rares, du bon café, des sourires, des gens biens. Le Tunnel, pareil que la Face Cachée mais sans les disques et avec de la bière à la place du café. L’Elixir, pareil que le Tunnel. Ces trois lieux à 100 mètres ou presque de mon modeste appartement. J’aime y traîner jusqu’à pas d’heure. J’aime y passer des moments, seul avec moi-même ou accompagné. Y’a peut-être de l’habitude là dedans, mais aussi un profond sentiment de bien-être et de sécurité. Je dis pas que c’est bien. Je constate simplement ce qui est. M’aventurer au delà de ce Triangle des Bermudes Messin revêt donc tous les aspects du survival pur et dur. Le centre-ville prend alors les allures du Texas décrit par Tobe Hooper dans Texas Chainsaw Massacre. Sauf que j’ai pas de tronçonneuse dans les mains. Si j’en avais une, le Républicain Lorrain se transformerait en journal entièrement dédié aux rubriques nécrologiques.

Metz est une ville de bons vivants, c’est indéniable. Tu fais pas deux mètres sans croiser un mec ou une fille bourrée. Tu passes pas cinq minutes à discuter avec quelqu’un sans apprendre qu’untel a terminé minable dans telle soirée où t’étais pas. Tiens oui d’ailleurs, pourquoi tu y étais pas ? Bah je sais pas, on m’avait pas prévenu. Et tu faisais quoi de beau hier soir ? Oh tu sais, boire une bière, écouter un peu de musique, converser… les trucs que je fais tous les soirs. Ah ouais, t’aurais dû venir quand même. Bof, on m’avait pas invité, je vais pas là où on a pas envie que je sois, tu sais.

Et la discussion tourne en rond. Indéfiniment. J’ai appris qu’il y avait une soirée qui était organisée pour je ne sais plus quelle occasion. Tout le monde est au courant depuis un moment, sauf moi. Je feins une excuse à la con. J’aimerais bien y aller, pourtant. Je me sens bête. Mais c’est trop tard. Orgueil, vanité, sentiment d’être mis de côté au profit d’autres personnes plus sociables que moi. Et à la limite, c’est pas plus mal comme ça. J’ai pas besoin de prouver quoi que ce soit. Que je suis un type cool, sympa, de toutes les bonnes sauteries, le bon mot pour rire, toujours le sourire aux lèvres.

Je suis accoudé au comptoir, une bière à la main. Le concert vient de se terminer. Ca rentre et ça sort, les portes battantes n’arrêtent pas de couiner. Y’a du bruit. Beaucoup de bruit. Le brouillard formé par la fumée des cigarettes envahit le lieu. C’est une ambiance que j’apprécie, habituellement. Mais là, à l’instant même où je te parle, y’a un truc qui me chiffonne. C’est peut-être le fait que je sois seul au bar. Y’a tellement de monde ici, et pourtant je ne parle à personne. Y’a tellement de monde ici, et personne ne me parle. Pourtant, je n’exclue pas la possibilité d’envoyer chier la personne qui oserait s’approcher de moi. Alors qu’est-ce qui ne va pas ? Marre des mondanités (qui n’en sont même pas, à vrai dire), marre de se retrouver au milieu de gens avec qui tu n’entretiens rien d’autre que des rapports d’une futilité insondable. « Nous sommes tous liés par l’alcool et la potentialité d’une relation sexuelle fantasmée », m’a dit un jour une fille rencontrée dans un bar, justement. En entendant ça, j’ai fini mon verre et je me suis cassé sans lui dire « au revoir ». Arrivé chez moi, je me suis dit qu’au fond elle avait raison. Elle, contrairement à moi, était restée lucide sur l’environnement qu’elle fréquentait. Je me suis senti con d’avoir réagi ainsi.

I don’t wanna party. Ce soir, je reste chez moi.

Quit Your Job

J’ai pris ma décision. Je démissionne. Pour de bon. Et je reviendrai pas en arrière. Le petit jeu des insinuations a assez duré. Aujourd’hui jeudi 27 Février 2006, 9h55. Je rentrerai pas dans l’Histoire pour autant. J’estime juste que j’en ai assez supporté depuis un an et demi.

Pourtant, ce n’était pas faute d’avoir été prévenu. La femme que je remplaçais m’avait mis au parfum, plusieurs fois. « Florian, si tu savais… Cette bon dieu de mégère… Je te souhaite bien du courage… » J’avais pas pris ses paroles très au sérieux à l’époque. En fait j’étais vraiment pressé qu’elle se barre en retraite, son rire de baleine et ses blagues d’un goût plus que douteux résonnant chaque nuit dans mes rêves. Juste casse-toi et laisse-moi tranquille. Secrétaire d’accueil. Répondre au téléphone, vendre divers trucs, classer le bon papelard dans le bon dossier. Un boulot con comme la lune. A mi-temps, en intérim, des horaires relax, un ordi sous les yeux. De quoi pouvoir me permettre de me payer un appart, de la bouffe et des disques tout en ayant du temps pour monter des projets et bouger avec Hyacinth. En plus, l’actuel responsable du service, un type assez antipathique, arrêtait de travailler à la fin de l’année. Je connaissais sa remplaçante, une amie à ma mère, et le courant passait bien. Bref, la planque idéale.

Au début, le travail que j’abattais était irréprochable. Des affaires bien gérées, pas un seul pet de travers, les gens qui se présentaient à mon bureau semblaient, dans leur grand majorité, m’apprécier. Mais ce temps ne dure qu’un temps. La première boulette est arrivée. Le jour de mon anniversaire. Quelques verres de champagne pour fêter ça. Il va bientôt être midi, j’ai encore un truc sur le feu avant de partir en week-end. Je m’exécute sans broncher, le sourire aux lèvres, la tête déjà dans la bière du soir. Deux semaines plus tard, j’en prends pour mon grade. J’avais attribué n’importe comment les sièges dans le train en partance pour Paris. Les salariés ayant participé au séjour manifestent leur colère à raison. J’ai merdé en beauté. Je m’excuse pour le désagrément et fais la gueule toute la journée. Surtout, je me mange une réflexion bien désagréable dans les dents de la part de la comptable.

A partir de ce moment précis, nos relations évoluent insidieusement. Elle était déjà là quand j’ai été mis en poste. C’est elle dont parlait mon ancienne collègue en termes si peu élogieux. Cependant, ce n’est ni ma responsable, ni ma supérieure. Mais ça, je vais avoir tendance à l’oublier au fil des mois qui vont suivre. En effet, depuis mon arrivée je suis dans une position délicate. Ma mère travaille dans l’entreprise à un poste haut placé. Je suis intérimaire, donc potentiellement éjectable si le travail que je fournis ne plaît pas. Pour couronner le tout, je commence à devenir parano. Je me rends compte, depuis cet incident, que je ne suis plus aussi irréprochable que ça. Je laisse passer des erreurs dans les Avis au Personnel, je m’embrouille dans l’état des stocks de places de concerts, j’oublie d’envoyer tel ou tel email. De petites erreurs sans grande conséquence, mais qui ont le don d’agacer l’autre conne au plus haut point. Celle-ci me le fait immanquablement remarquer par de petites phrases assassines, des sous-entendus discrets qui, sur la longueur, ont le don de me foutre le moral à zéro. Merde, un boulot aussi simple, je suis même pas capable de le faire correctement. Je dramatise peut-être pour rien, et ce serait si simple d’oublier ses petits tracas liés au travail si elle n’en profitait pas pour m’humilier devant les clients. Toujours le même procédé. Elle arrive au bon moment, discute 2/3 minutes avec la personne et me balance une réflexion qui fait bien mal ou me donne du travail en plus (je me retrouve à devoir faire 4 choses en même temps, voir plus… faut pas s’étonner si je laisse échapper quelques erreurs).

Alors je me tais et j’encaisse. Pour toutes les raisons que j’ai cité précédemment. Je me projette ailleurs, loin, avec Hyacinth en tournée, avec les copains et les copines en soirées. Mais ça ne suffit pas à m’enlever le parpaing qui grossit au fond de mon estomac. Mon sommeil s’agite, se dérègle. Je dors de moins en moins, de plus en plus mal. Mes sautes d’humeur sont constantes. Il m’arrivait déjà de déprimer, mais là mon cas prend des proportions inquiétantes. Je ne sors même plus les veilles de journées de boulot. Le dimanche devient une épreuve de force. Déjà que j’aimais pas ce jour en particulier, là ça en devient carrément intolérable. Je me lève avec la nausée, traverse mon appartement en pyjama gris trop grand pour moi tel un zombie, attendant avec angoisse que le temps passe, que sonne 22 heures, le moment d’aller se coucher, essayer de trouver le sommeil, dormir quelques heures, histoire de pas faire n’importe quoi le lendemain…

J’en parle à personne. Je fais comme si de rien n’était. Ce qui m’arrive n’est rien en comparaison de ce que subissent des millions de gens à travers le monde. Je suis un privilégié, j’ai pas le droit d’ouvrir ma gueule pour me plaindre. Ou j’aime peut-être bien me faire du mal pour rien.

2006 débute à peine que je suis déjà crevé comme jamais. 8 heures après être rentré de tournée, je suis à mon poste. Poli, frais dispo, la tête dans le boulot. Les fêtes n’ont pas adouci l’humeur de Claudine qui se révèle de plus en plus malfaisante. Ma responsable, Sylvie, ne remarque rien. En même temps, elle a déjà fort à faire avec ses propres dossiers. Début février, c’est l’heure du bilan comptable. Je comprends alors pourquoi l’ambiance dans le bureau de ma chère collègue n’est pas à la rigolade. Sylvie, sur l’impulsion de Claudine, me demande de faire un peu plus d’heures dans le mois, histoire de l’alléger de son travail conséquent. Je m’exécute sans rien dire. L’expert débarque un mercredi et repart dans la journée. Il ne reviendra plus. Je suis pas contre faire quelques heures en plus si ça peut aider, mais faut pas se foutre de ma gueule. Je bous intérieurement en me rendant compte du sale coup de vicelarde qu’elle vient de m’asséner. Le coup de trop. A partir de maintenant, je ne vais plus me laisser faire. Tant pis si ça doit me porter préjudice. Viens, je t’attends.

Elle réagit comme j’avais prévu. Avec sa verve habituelle, elle me fait remarquer qu’il y a des anomalies concernant un dossier. Conscience professionnelle oblige, je vérifie et lui présente les preuves pour infirmer ses dires. Elle m’envoie chier avec la plus grande indifférence qui soit. « Ecoute Florian, j’ai pas le temps pour ces trucs, j’ai beaucoup de travail ». Ouais c’est ça, moi je mange de la viande… Bon, c’était juste un exemple parmi tant d’autres d’une semaine déjà bien remplie de conflits en tous genres. La tension monte un cran au dessus lorsque des ouvriers sont mandatés pour repeindre et replâtrer mon bureau. Je dois vider toutes mes armoires. Je m’exécute. Remarque haineuse. Je la mets à l’amende devant Sylvie. Je vois dans ses yeux qu’elle n’en revient pas. Je la défie avec un sourire narquois. Elle retourne dans son bureau en traînant la patte. Je viens de la blesser. Mais elle va revenir à la charge. Claudine est pleine de ressources et sait attendre son heure. Le jeudi fatidique, la tension atteint des sommets digne du Grand Guignol. Sylvie est en rendez-vous toute la journée, je m’installe dans son bureau pour assurer la permanence du service. Le peintre me demande si je peux lui faire un café. « Bien entendu, tout de suite chef ! ». Dix minutes plus tard, en voyant ce que je viens de faire, Claudine entre dans une colère hystérique.

« C’est mon café ! Tu ne touches pas à mon café ! Non mais tu te crois où ici ? Tu fais un café, tu me demandes d’abord, et si tu m’avais demandé, de toute façon je t’aurais dit non ! »
- Pas la peine de vous énerver, Claudine… Si vous voulez, je vous ramène du café…
- Je m’en fous de ton café ! Je peux m’en payer si je veux ! Tu ne touches plus à mes affaires !
- Excusez-moi Claudine, ça ne se reproduira plus… »

La pauvre reste interloquée. Discussion digne d’un bac à sable. Elle a 55 ans mais en paraît 5, à l’entendre s’exprimer. Je sais qu’elle attendait que je lui réponde, mais elle ne pensait pas que je me tairais aussi vite. J’ai vu que ça l’avait interpellé et qu’elle était repartie dans son bureau sans trop savoir quoi penser de tout ça.

Une heure plus tard, conversation de travail sans intérêt.

« Tu me sors le formulaire bidule ? »
- Tout de suit, Claudine !
- Merci.
- Mais de rien, Claudine !
- Ne prends pas ce ton là avec moi, hein ! Si tu veux jouer au malin tu sais pas à qui tu t’adresses ! J’en ai marre de ton cirque ici t’as compris ? L’histoire du café c’est le truc en trop là ! Ca plus ça plus ça plus ça… C’est bon, ça suffit !
- Oula mais qu’est-ce qui vous arrive Claudine ? Qu’est-ce que j’ai fait pour que vous preniez ce ton agressif avec moi ?
- Tu sais très bien ce que t’as fait, et arrête de faire ton malin avec moi, ça suffit !
- Nan mais expliquez-moi ce que vous me reprochez, ça m’intéresse…
- C’est bon, la discussion est close…
- Ah non, la discussion n’est pas close, vous allez me dire ce qui ne va pas avec moi… »

Elle claque la porte et tourne les talons. Je l’entends marmonner dans l’entrée. J’ai pas envie que ça se termine ainsi. Quitte à provoquer un clash, autant y aller jusqu’au bout. Je me lève de ma chaise et fonce vers son bureau. Le mec qui repeint les murs se demande ce qu’il peut bien se passer en ce moment.

A peine suis-je entré qu’elle s’emballe. Faut que j’arrête mon cinéma, que ça va plus maintenant, que si je cherche à faire le malin je trouverai plus malin que moi, que y’en a marre… Le ton est limite à l’hystérie. Et je sens qu’elle commence à s’inquiéter. Encore une fois, elle ne s’attendait pas à ce que je réagisse de la sorte. Calmement, je lui demande de m’expliquer ce qui ne va pas. Après tout, nous sommes entre adultes. Si il y a un quelconque problème, on peut forcément le régler. J’attends qu’elle me déballe son sac. Au final, je resterai sur ma faim. Elle me reproche deux choses en particulier.

« Arrête de croire que tu es ici chez toi… Ici c’est pas chez toi, y’a rien qui t’appartient… Alors arrête de faire comme si tout t’appartenait… »

« Quand on te demande de faire un truc tu réponds oui, mais tu fais toujours comme tu veux hein… »

Putain, moi qui m’attendais à en prendre plein la gueule…

Je me tais et l’écoute me sermonner mollement puis dévier adroitement du sujet sur lequel je l’avais lancé. Je quitte son bureau en silence. Elle croit que tout est rentré dans l’ordre et qu’elle m’a bien remis à ma place.

9h55, j’appelle ma mère pour lui annoncer que je démissionne. La boîte d’intérim qui m’emploie est mise au courant quelques minutes plus tard. Je décide de passer le reste de la journée comme si de rien n’était. Les clients passent, une après-midi comme tant d’autres.

EPILOGUE

Je suis pas revenu bosser. J’ai pris ma semaine. Apparemment tout le monde me regrette maintenant. J’aurais dû parler de mes problèmes plus tôt. Les syndicats se rendent compte de tout le bordel que cette conne a créé. Des anomalies dans les comptes. Des personnes qu’elle a traité comme des merdes. Elle s’est vue refusée une prime d’ancienneté. On la blâme pour son comportement odieux. Moi je suis déjà passé à autre chose et je m’en branle royalement.

Elle peut crever.

Moi aussi j'ai un blog.

Voilà. C'est con hein, moi qui aime gentiment me foutre de la gueule de ceux et celles qui étalent leurs vies inintéressantes sur des pages web anonymes et froides... Ca m'apprendra.

C'est en parcourant celui de Manu (We're Not In This Alone) que je me suis dit "et pourquoi pas ?". J'avais déjà essayé d'en créer à d'autres adresses mais ça ne m'avait jamais totalement convaincu. Là, au moins, y'avait l'air d'y avoir assez de place pour y foutre toutes mes chroniques de disques en souffrance.

Ouep c'est un problème ça, j'ai presque complètement arrêté d'écrire. Arf, bien quelques textes à droite à gauche, mais rien d'exceptionnel. C'est plus aussi régulier qu'avant. Je pouvais sortir 2 zines de 80 pages en l'espace de 3 mois. Enfin bref, ceci constitue en quelque sorte une résurrection par la petite porte. Je vais poster sur ce blog toute ma production écrite à venir, à savoir mes chroniques, quelques textes persos, voir une ou deux interviews. J'essaierai de faire ça avec le plus de régularité et de dilligence possible. Si tout vas bien, une version papier sortira par la suite. Bah oui, comme Rad Party. Internet punx haha. Nan, de la connerie tout ça, juste l'envie d'essayer autre chose. Si ça me plaît pas, je laisserai tomber.

A bon entendeur...