jeudi, septembre 28, 2006

MyVirus

Je suis actuellement en train de travailler à l’élaboration d’un virus capable de se transmettre d’une page MySpace à l’autre. On peut dire que j’aurai sué sang, eau et neurones afin de parvenir au dosage parfait. Des heures à cogiter, remuer des formules mathématiques et informatiques dans un sens puis dans l’autre, analyser ces cas de conscience qui m’auront souvent barré la route. Car la question s’est effectivement posée à moi plus d’une fois : quel intérêt ? Fort heureusement, plus j’avais l’impression de toucher au but, plus cette interrogation obsessionnelle se retrouvait balayée d’un revers de la main, avec plus de facilité et de cynisme à chaque nouvelle avancée.

Cependant, à l’aube de cette découverte d’une importance scientifique sans précédent, quelques incertitudes subsistent. Qu’adviendra-t-il de mon bébé, une fois la première page contaminée ? Ces effets, tant désirés dans un moment de folie primaire et d’exaspération hagarde, seront-ils à la hauteur de mes espérances ? Assisterai-je avec délectation aux splits successifs de chaque groupe ayant eu un jour l’heureuse idée de profiter de ces quelques mégas d’espace virtuel généreusement offerts par mon cher ami Rupert Murdoch, tel un Domino Day implacable à l’échelle planétaire ? Qu’en sera-t-il de ces quelques 90 millions d’utilisateurs et d’utilisatrices ? Emeute généralisée ? Suicide collectif ?

Toutes les probabilités doivent être étudiées.

Et après ? Bien sûr, une fois mon entreprise arrivée à terme et couronnée de succès, je m’engage à combler le déficit d’ego qu’une perte de cette ampleur aura provoquée. Des cellules de soutien seront mises en place dans chaque contrée disposant d’un modem WIFI ou d’un cybercafé. Des psychologues seront spécialement formés à cet effet, relançant de fait l’engouement pour cette filière universitaire délaissée depuis quelques temps déjà par nos compagnons étudiants au profit de la voie sociologique. De grands rassemblements seront organisés afin de recréer un contexte propice à la restructuration du tissu social et culturel.

Aucun détail ne doit être laissé à la merci du hasard.

À l’heure actuelle, je n’ai pas encore fait état des tenants et aboutissants de ce projet tout aussi pharaonique que mégalomaniaque. Un élan d’excitation et de joie mêlées m’y aura toutefois poussé à ce moment très précis où je m’apprête à publier ces quelques lignes sur mon blog, seulement parcouru, il est vrai, par une poignée de lecteurs inconscients et lectrices courageuses. Car mon œuvre, aussi démesurée soit-elle, mérite une visibilité, même confidentielle. Profondément gravée dans le HTML.

L’Histoire sera donc mon seul et unique juge. Si j’échoue, je m’engage à ouvrir un compte sur MySpace et à t’ajouter à mes amiEs que je ne connais pas.

Nerve Damage

2h30 du matin.

Elle vient juste de quitter mon appartement.

Son odeur flotte encore dans l’air, se mêlant aux effluves de tabac et de la pluie mouillant le pavé. L’averse s’est arrêtée. Dehors, le calme règne, comme si la ville souhaitait respecter, en observant un silence apaisant, son départ. J’ai envie de me griller une dernière cigarette, mais le désir de me laisser enivrer par son parfum est bien trop grand. Je m’abstiendrai, pour une fois. Je prends une profonde respiration avant de me lever en direction de mon lit. Je m’écroule de tout mon poids sur le matelas, comme si je venais d’être frappé par la foudre.

Quelque part, c’est un peu ce qu’il s’est produit.

J’avais toujours hésité à croire aux coïncidences. Dans cet orgueil qui me caractérise si bien, j’avais souvent eu tendance à penser qu’en tant qu’être vivant doué de conscience et de libre-arbitre, avec dix doigts (dont deux pouces) et un cœur, j’avais été capable d’influer sur le cours de mon existence. Ce que j’avais désiré du plus profond de mon âme ne m’était jamais tombé du ciel, tout cuit dans le bec. Il avait fallu forcer le destin, le faire plier à son bon vouloir. Montrer qu’on n’était pas du genre à se laisser porter par les évènements. Au contraire, être en prise directe avec la réalité. Alors oui, ça avait très bien fonctionné dans certains cas. Artistiquement parlant, si j’en étais arrivé là où j’étais aujourd’hui, c’était bien parce que j’y avais mis plus que du mien. J’étais parvenu à modeler une vie à mon image. Sculptée dans ses moindres détails. Tout ce que j’avais compté de volonté et de motivation dans la bataille. Pas le fruit du hasard, définitivement.

« Salut… »

J’ai toujours l’air con quand je dis « Salut ». Surtout quand je suis impressionné. Là, je l’avais été plus que de raison. 5 minutes plus tôt, je finissais de siroter ma bière sur la terrasse d’un café quelconque, un sac de disques à mes pieds, fraîchement glanés parmi les bacs de mon pote Médé. Il faisait beau, juste assez d’air pour respirer. On sentait l’été, palpable, approcher à grande vitesse, dans le souffle discret du vent. J’étais tranquille, j’étais peinard… La suite de la chanson, tu la connais.

« Salut… »

J’accompagne cette parole hésitante d’un geste de la main. Tout aussi hésitant, d’ailleurs. C’est limite si je ne tremble pas. J’espère que je suis le seul à me rendre compte de cet état dans lequel je saute allègrement, les deux pieds joints. C’est si bon de se sentir déstabilisé. L’adrénaline qui fait des loopings à 360 à l’heure dans tes veines. Le cœur battant tellement fort qu’il pourrait exploser à n’importe quel moment dans un fracas de chair et de sang mêlés. Le cerveau en ébullition, incapable de fonctionner correctement. Les cordes vocales qui jouent de la scie musicale, la voix chevrotante dans le plus parfait des aigus.

« Salut… »

Merde, je rêve ou elle vient de me répondre ? Merde, merde, c’est moi qu’elle regarde ? Merde, merde, merde, c’est bien moi qu’elle regarde et je suis en train de rougir…

Voilà, ça c’était moi le jour où je l’ai rencontré pour la première fois. Enfin, pour être tout à fait honnête, je mens un peu sur les bords. Ce n’était pas la première fois que je croisais son regard envoûtant. On s’était déjà fait face un soir dans un bar. Je devais être juste derrière elle, à l’entrée du comptoir, attendant mon tour d’être servi. Elle s’est retournée, je me suis écarté pour la laisser passer. Et ce fut tout. Ah si. « Wow », fut le premier mot qui me vint à l’esprit. « C’est qui cette fille ? », la première phrase intelligible. « Laisse tomber », le premier signe de renoncement.

Ouais, c’est bien de pouvoir mener des projets à termes, avec toute la rage et la détermination dont je peux humainement faire preuve. Malheureusement, il n’en allait vraiment pas de même concernant ma vie amoureuse. J’avais été seul la plupart de ce temps passé sur Terre. Je n’avais, et n’avais eu, peur de rien, sauf de l’amour. Dans un moment de faiblesse, je m’étais parfois laissé aller à ces choses que l’on nommait plus communément « sentiments envers une personne du sexe opposé », voire même « sentiments envers une personne du même sexe »… Au creux de la vague, je buvais souvent la tasse. Mais je ne me noyais jamais totalement et je remontais vaille que vaille à la surface pour, au final, sortir fièrement la tête hors de l’eau… Je suis cynique, ça m’aide à me protéger. En fait, la vérité est que j’avais toujours eu peur de m’investir dans une relation. Très tôt, je m’étais senti incapable d’assumer un tel engagement envers un autre être vivant (que moi-même). Et puis, même si mon cœur avait déjà battu pour des filles et des garçons, cela n’avait jamais été assez fort à mon goût. J’avais eu peur. Très peur. J’avais eu besoin d’un sentiment encore plus puissant pour surmonter cette angoisse. J’avais eu besoin d’aimer. Intensément et entièrement. Infiniment et sincèrement.

Tout ce que je créais était, de fait, imprégné de cette absence cruelle.

Je m’étais découvert très tôt une passion pour l’écriture. Vers l’âge de 7 ans. J’avais accompagné mes parents à l’anniversaire d’un de leurs amis. Pendant que les adultes avaient passé leur soirée dans le salon à discuter tout en buvant ce qui leur tombait sous la main, j’étais resté prostré dans la cuisine, en compagnie du chien de la maison, la télévision allumée pour occuper mes pensées. Inutile de préciser que je m’emmerdais à mourir. Motivé par l’ennui et ce sentiment de solitude prégnant, peut-être propre à chaque enfant unique, je me suis mis à écrire. Rien de particulier, juste ce qui me passait par la tête. Sous forme de poèmes. Sujets divers et variés. La vie, la mort, l’amitié. Un poème pour ce chien silencieux qui restait couché dans un coin de la pièce. Un autre sur l’école. À la fin de la soirée, j’en eus pas loin d’une dizaine, éparpillés sur toute la longueur du plan de travail. J’éprouvai alors pour la première fois un sentiment de fierté. C’était autre chose que de créer un cendrier en terre cuite pour la fête des mères ou dessiner une connerie en couleurs pour célébrer les fêtes de fin d’année.

Je me suis plus arrêté depuis.

Récemment, j’ai pondu les quelques lignes qui suivent, un soir où je déprimais gentiment.

« 21h30. Il fait nuit. Le soleil est déjà planqué depuis 4 bonnes heures. Quelque part. Là où l’air est plus respirable. C’est drôle comme on aime souvent à se dire qu’on préférerait être partout ailleurs sauf ici. Tendre à se rassurer sur l’état monotone de sa vie. Que tout pourrait être si différent sous d’autres cieux. Alors qu’en fait il y a ces éternelles invariables, ces cas de figures communs à tout un chacun. Ces gros détails qui font qu’une fois ailleurs, tu te rends soudainement compte que, maintenant comme avant, rien n’a véritablement changé.

Quand tu as le cœur brisé, peu importe de se retrouver dans le froid glacial d’une ville de l’Est de la France ou à Hawaï. La tristesse reste la même. Toujours présente au plus profond de toi. Certaines situations font que tu l’oublies parfois. Mais partout où tu as beau vouloir te cacher, il y a toujours un moment, un infime moment, une seule petite seconde pendant laquelle tu te rappelles brusquement à quel point tu te sens seul. Ce n’est pas qu’un sentiment. Tu es bel et bien seul. Prisonnier de tes pensées. Les paupières tellement endolories par le froid qu’il t’empêche d’ouvrir les yeux.

Je pense pas mal à tout ça quand je bas le pavé de ma bonne vieille ville. Qu’il soit tard ou pas. Quand je me retrouve seul, écoutant le couinement de mes semelles trop neuves sur le sol humide. Ce bruit énervant, tournant à l’obsession. Comme un cœur qui bat trop vite. Je marche en baissant la tête. Je réfléchis. Je réfléchis trop. Digicode. Monte les marches deux à deux. Jamais trop pressé de rentrer. 4 étages. Et puis la porte de mon appartement. Je sors la clef de ma poche. Cette seconde. Cet infime moment. J’hésite à activer le mécanisme. Mais la curiosité prend toujours le dessus. Une fois le verrou mis, je me retrouve dans le noir. Il n’y a pas un bruit dans le hall. Tout est calme et froid. Encore une seconde d’hésitation.

Comme tous les soirs, il n’y a personne sur le canapé, assis les jambes en tailleur, une bière à la main, en train de regarder un film d’horreur. Comme tous les soirs, il n’y a personne qui squatte le bureau en bois, la tête plongée dans un truc vital à écrire. Comme tous les soirs, il n’y a personne pour foutre le bordel dans mes vinyles, cherchant coûte que coûte la perle rare, la chanson qui parfois peut changer le destin d’une vie. Comme tous les soirs, il n’y a pas âme qui vive entre ces murs. Comme tous les soirs, les assiettes sales s’empilent sur la table de la cuisine, les casseroles pleines d’eau usée débordent de mon évier tristement blanc. Comme tous les soirs, les canettes vides côtoient ces bouquins que je ne finirai peut-être jamais de lire. Comme tous les soirs, un disque tourne dans le vide parce que j’ai oublié d’éteindre la platine. »

C’était il y a seulement quelques mois de ça. C’est drôle comme la vie aime à te jouer des tours. C’est vrai, et je le répète, j’ai toujours hésité à croire aux coïncidences du destin. Chimère. Espoir factice. Opium du peuple. Pourtant, aujourd’hui même, par je ne sais quel miracle cosmique, le destin a, pour une fois, fait acte de présence.

Je suis peut-être toujours seul dans mon appartement, mais je ne le suis plus dans mon immeuble…

The Great Escape

J’ai trouvé un nouveau boulot seulement dix minutes après avoir démissionné. Un coup de chance. Je dis ça parce que c’est un travail qui me plaît bien. Archiviste. Le genre de métier un peu nébuleux. Tu te demandes bien à quoi je dois bien passer mes journées. Bah, je bouffe du papier. Des kilomètres de papier. Je fais des recherches pour des historiens. Je reconstitue des carrières pour des dossiers de retraite. Je communique des documents importants aux différents services des entreprises dont les archives sont sous ma responsabilité. Ah oui, c’est important de préciser que ce nouveau boulot s’inscrit dans un univers que je connais bien : la sidérurgie. J’ai beau vouloir m’éloigner de mes racines ouvrières, j’y reviens forcément. Mes parents, mes grands-parents, mes arrières grands-parents, tous se sont faits dévorer par les bouches de feu. Je n’y échappe pas. Mais ça me plaît. C’est peut-être le premier job qui ne me donne pas envie de me tirer une balle dans la tête au bout de deux semaines.

Une période d’essai, un mois d’intérim et je signai un CDD.

Je me suis vite habitué à traîner mes vieilles Converses entre les immenses armoires de rangement métalliques. Des monstres de 4 mètres de haut. 180 pièces réparties dans 3 zones différentes. Chacune pouvant contenir 192 mètres d’archives. Ce qui nous fait un total, à la louche, de 35 kilomètres d’espace de stockage. En vrai, c’est impressionnant. Par contre, je pensais pas m’habituer à mon nouveau rythme de vie. Je bossais à mi-temps au CE de Mittal Steel et ça m’allait très bien. J’avais le temps de faire vraiment tout ce qui me passait par la tête. Bosser le minimum pour pouvoir vivre au maximum. En théorie oui, mais dans les faits ça ne se passait pas vraiment comme ça. Les déprimes successives ne m’encourageaient pas vraiment à profiter de mon temps libre. Je ne l’employais que rarement de manière constructive. De ce fait, j’appréhendais le passage au plein-temps. J’imaginais déjà la souffrance de passer le tiers de ma journée au travail, le poids de la fatigue dans chacune de mes paupières au bout d’une semaine, le sentiment aussi effroyable qu’indicible de passer à côté de ma vie… Devenir un zombie, ou pire (parce que devenir un zombie est un de mes fantasmes depuis La Nuit des morts-vivants), un mec normal.

Je suis sorti dès le premier soir. Sans passer par chez moi au préalable. J’étais crevé mais j’avais pas envie de glander sur mon canapé comme une loque. J’ai appelé Delf, on s’est donné rencard au Tunnel. On a pris l’apéro. Happy hour. Vers 20 heures, j’étais déjà pété. Et j’ai continué. Romain est passé, on a bougé vers un autre bar. Jusqu’à ce que je n’en puisse plus. Je fêtais rien en particulier. Surtout pas ce nouveau boulot. Il me plaisait, mais de là à chanter ses louanges… Je fêtais rien, j’avais juste envie d’oublier que j’entamais une nouvelle phase de ma vie d’ado qui refusait de grandir. Pas envie de me retrouver, à bientôt 26 ans, avec une vie bien réglée, bien établie, bien propre et bien chiante. Le premier soir a conditionné tous les autres. À l’heure où j’écris ces lignes, presque 6 mois plus tard, je crois pas avoir passé plus de 10 soirées seul dans mon appartement, au calme, avec le besoin de souffler et de me reposer. J’ai enchaîné des semaines et des week-ends complets de sorties, de beuveries, d’apéros et de concerts. Au final, quand j’y pense, avec un peu de recul, je me dis que c’est du pareil au même. J’ai peur de tomber dans une routine, de quelque nature qu’elle soit, alors je fais « autre chose ». Mais cet « autre chose » finit par devenir elle aussi routinière. Je n’évite pas ce que je redoutais le plus. J’y fonce, tête baissée. Néanmoins, malgré ces questions que je me pose à longueur de temps, j’apprécie ces moments passés à discuter avec mes amiEs autour d’une bière, dans ces lieux, les bars, prompts à développer une vie sociale devenue morne par la force du travail salarié.

J’ai annoncé la nouvelle à presque tout le monde. Y’a une fille qui vient d’emménager dans mon immeuble. Je ne connais que son prénom. Les premières paroles échangées, quand j’y repense, furent bien stupides… « Tu verras, les voisins sont tous des cons… Depuis que j’habite l’immeuble, j’arrête pas d’avoir des galères, des infiltrations dans les murs, des problèmes d’insonorisation… C’est tranquille ici mais j’espère que t’auras pas autant de soucis que moi… » Bravo mec, quelle belle entrée en matière ! Sur le moment, je crois que je lui ai fait peur. Elle a dû se dire : « T’as raison, les voisins sont tous des cons, toi le premier ! ». M’enfin, je poursuis dans ma logique implacable du « je sais pas quoi dire, alors je dis n’importe quoi, quitte à passer pour un abruti ». Hey, ça fait beaucoup de guillemets pour si peu de lignes… (voilà, ça le fait aussi quand je ne sais plus quoi écrire)

Elle habite au deuxième étage. Je m’arrête devant sa porte à chaque fois que je monte vers ma grotte. Bon, je bloque pas dix minutes comme un vieux pervers. Une seconde suffit. Une seconde où je laisse ces milliers de pensées me traverser l’esprit. Je me demande si elle est là. Ce qu’elle fait. J’espère secrètement la croiser dans l’escalier. Mais ça arrive rarement. J’espère secrètement la croiser au Tunnel ou à l’Elixir. Mais ça arrive rarement aussi. Et, si ça se trouve, elle a même peut-être oublié que j’existais, deux étages plus haut. Ça me donne envie de soupirer. Je soupire. Pffffff.

C’est le printemps. Ca fait 8 mois que je suis célibataire, je commence à trouver le temps long. Pas que je ressente le besoin de me caser direct avec la première fille venue. Non. Je me dis plutôt que le papillonnage me sied bien, mais qu’il met surtout du temps à arriver… Alors je sais pas si c’est effectivement la saison qui veut ça, toutes ces légendes liées aux plantes qui bourgeonnent, aux rongeurs qui copulent… Mais merde, j’ai envie de contact ! J’ai besoin d’être attiré et de me sentir attiré en retour, ça devient urgent là ! Une parole, une caresse, un baiser, je m’en fous, n’importe quoi, tant que ça met mon corps en émoi. Et l’inattendu se produit…

Les mois de mars et avril constituèrent une période faste à marquer d’une pierre blanche dans cette timeline chaotique de loser que je me traînai comme une casserole et qu’on appelai plus communément « vie sentimentale » (tu me le dis si je me répète trop souvent). 60 jours de surprises, de rencontres, de jeux, de cache-cache visuel, de discussions alcoolisées et passionnantes… Je ne compte plus les relations potentiellement consommables, mais non consommées (indeed). Des filles avec qui j’avais noué contact dans le monde merveilleux des Bisounours (Internet), et que je rencontrais pour la (presque) première fois. Quelques heures à discuter longuement, puis un baiser aussi court que passionné. Une fille avec qui je sentais ce courant électrique passer dans tout mon corps à chaque fois qu’on se prenait dans les bras l’un de l’autre. Des embrassades tout aussi fougueuses que désintéressées sexuellement, simplement motivées par la curiosité du « t’as quel goût, toi ? ». Et sans même aller jusque là… De longs regards échangés, d’une extrémité du comptoir à l’autre. Des sourires qui en disent longs, mais qui n’iront pas au-delà de ce qu’ils suggèrent pourtant. Parce qu’il ne faut pas. Parce qu’on a trop bu et qu’on ne veut pas répéter les mêmes conneries encore et encore ou heurter les sentiments de l’autre. Parce que…

Parce que c’était trop ! L’indolence a bon dos. Je peux lui faire porter le chapeau de ce que je veux, il n’empêche qu’il faudra que j’assume un jour ou l’autre la véritable nature de mes sentiments et de mes aspirations. Au bout de ces 2 mois d’une frivolité extrême (ça peut paraître exagéré de dire ça, mais pour qui me connaît c’est on ne peut plus vrai), je me suis senti vide.

Mais ces sorties nocturnes ont eu du bon aussi.

J’ai fini par la croiser.

Interview - JEFF ALTSPHERE

Jeff est un type bien. J’ai eu envie de lui poser quelques questions. Depuis le temps qu’il squatte les pages de Cliché, Burn Out et maintenant de ce blog, je lui devais bien ça. http://www.altsphere-prod.fr.st/

Tu te souviens de notre première rencontre ?

Je me souviens, comme si c'était hier, d'une rencontre avec un certain Charles que je m'amusais à narguer (et souvent plus) sur des forums comme le sale jeune que j'étais. Molicore 2002. Mes débuts dans http://www.scenesouvertes.fr.st/, mes débuts de brebis galeuse à incendier tous les groupes que je voyais, mes débuts dans l'exposition de ma médiocrité musicale et de ma fausse prétention. Je m'étais pointé avec Fred (ex-UPCOMING SPLIT) et les fameux Toni et Rolf de SLAIN. Ces deux derniers avaient reconnu Charles et voulaient en découdre. J'ai réussi à me faufiler pour lui serrer la main en disant « Salut, je suis der Kaiser der Narren ».

Ouep, j'ai encore en tête cette poignée de main. Pour être honnête, à ce moment là j'ai pensé « Putain c'est qui cette baltringue ? »... Et puis c'est à cette même époque que tu as commencé à correspondre avec Manu de MUCKRACKERS, je crois. Je me souviens d'un truc qu'il m'avait dit à propos de toi : « Vous verrez les mecs, dans 2/3 ans il viendra vous donner des leçons... C'est un type bien ». C’est dans ces mêmes eaux que tu as sorti le premier disque de DER KAISER DER NARREN, si je ne m'abuse. Est-ce que c'était ton premier coup d'essai discographique ou y'a eu d'autres prémisses ?

Ouais, tout à fait. J'avais vu MUCKRACKERS pour la 1e fois au Bosment 2001. Et pis comme j'étais à fond dans tous les trucs indus/electro métal à ce moment là, j'ai cherché à le contacter et j'ai récupéré les 3 premières démos. Manu avait dit ça ? Notre relation a bien changé depuis 2 ans, alors qu'on était à deux doigts de monter un truc ensemble et que je devais aussi faire un essai aux machines pour MUCKRACKERS, il m'a séché en disant « Tant que t'écoutes du BURZUM, on ne fera jamais rien ensemble ». On échange encore quelques disques mais c'est tout. Donc pour en revenir à 2002, ouais je venais de sortir le premier skeud de DKDN « Besser », en fait y'avait la démo « Der Kaiser Der Narren » qui était sortie plus tôt et on avait tout réenregistré et rajouté des titres de plus. On, c'était Toni et moi, avec un appui de Fred au clavier pour la reprise pourrie de NIN. C'était ma première démo métallique. J'avais longtemps cherché un groupe, et un jour je suis parti en mission dans la chambre de mon frangin, j'ai branché la boîte à rythmes, la gratte, le synthé pis j'ai appelé Toni. On a tout improvisé à l'arrache en une aprem. Mais en fait j'avais déjà sorti d'autres trucs, je crois que peu de gens le savent. Quand j’avais 15 ans, j'écoutais tout ce qui me passait entre les mains et un pote m'a prêté du NTM et du IAM. Tout de suite accroché aux texte (pas tous, hein !) de NTM, ils avaient quelque chose à dire à l'époque. C'est d'ailleurs à ce moment que j’ai commencé à m'intéresser à toutes ces histoires politico sociales, politique de vie,... Bref, un jour ce pote me parlait de monter un groupe de hip hop. En approfondissant le truc, j'ai eu carte blanche pour lui faire des instrus. Voilà, en fait je voulais simplement bidouillé du son sur mon vieux pc de l'époque. On a dû faire 3 démos, ça s'appelait INVAZION SUSPEKTE. Mais au bout de quelques mois, il ne supportait plus mes instrus bizarroïdes et pas assez « classiques » pour du hip hop. Depuis je n'ai plus de contact avec lui, je devrais peut-être lui écrire pour récupérer les skeuds et te les faire tourner, ça pourrait être drôle de réécouter ça

D'où vient le nom et le concept de DER KAISER DER NARREN ? Comment as-tu fait évoluer cela d'un projet solo à un véritable groupe de death/trash métal ?

Comme je le disais, à cette époque j'étais à fond dans les trucs indus/métal et j'écoutais notamment RAMMSTEIN. Je ne voulais pas écrire en français à ce moment là, va savoir pourquoi... Donc je chope un nom en allemand, l'Empereur Des Fous. Je me cachais derrière cette folie pour m'exprimer, jouer le prétentieux méprisant (comme tout bon empereur) et faire chier le monde. A la base il n'y avait aucun concept, Toni écrivait les paroles en anglais, moi en allemand, pis voilà on parlait de thème métal à la con, Satan, la guerre, les empereurs, etc... J'ai fait tourner « Besser » par échange, vente ou juste pour faire écouter ce que je faisais (y'a eu une trentaine de copies). Je cherchais des zikos depuis toujours, mais je ne trouvais personne. Puis à un concert de STRONG AS TEN au Squat Bar (Metz), j'ai rencontré Joe (guitare). Je ne voulais pas faire de projet solo à l'époque (j'étais trop mauvais pour toucher une guitare) donc ça a été facile, de rencontre en rencontre, de monter un groupe avec des gens cools et de toujours continuer malgré tous les changements de line-up. Dès que Joe est arrivé le style a changé naturellement. Puis, avec les influences des gens qui passaient dans le groupe, ça changeait toujours un peu. C'est seulement en 2004 qu'on a enfin pu prétendre faire une soupe qui sonnait death/thrash. Toujours au moment où Joe s'est pointé, j'ai commencé à écrire, en français et anglais, sur l'actualité et d'autres sujets qui me tenaient à coeur, tout en cherchant une solution pour ne pas me faire bouffer par ce monde pourri... D'où des introspections comme « Indifférence » ou « Ce que je suis ». Le concept est venu bien plus tard, début 2004. Une façon de lier quelques anciens morceaux avec des nouveaux dans lesquels les paroles étaient toujours plus agressives. Un concept qui suivait l'esprit du nom, des histoires de folie, ça aide à dissimuler des thèmes comme l'oppression des médias, le malaise en société... Des messages codés, en gros.
Est-ce que tu peux expliquer les raisons qui ont amené au split du groupe ? J'ai l'impression que cet évènement coïncide avec une certaine radicalisation au niveau de ta démarche...

Non ce n'est pas tout à fait à cause de ma démarche. En fait, Guillaume (batterie) et Joe en avaient marre de jouer ensemble. Le premier voulait jouer plus au feeling et des trucs thrash, et le second voulait que tout soit comme sur une partoche, que ça blaste et que ça bourre. En gros, le batteur devait partir après la 1e édition du festival « Les Enfants du Bosment » et notre dizaine de concerts prévus jusque là. Mais bon, entre les flics et la justice, Guillaume a dû aller en zonzon une semaine avant qu'on joue avec FURYA. Et c'est seulement là que ma radicalisation a fait que je ne voulais pas continuer DKDN sans Guillaume et que je ne voulais pas faire quelque chose d'autre avec Joe et Gaby (basse)... Pas assez DIY et engagés à mon goût... Sans parler de politique de vie ou quoi, rien que sur la démarche musicale je sentais que ça n'allait pas, ils voulaient « se faire un nom » et étaient trop attachés à des codes musicaux à la con. J'ai longtemps réfléchi à ce split, une aventure qui a été ma vie pendant près de 4 ans. Choix difficile mais inévitable...

Justement, fonctionner de manière DIY, notamment en ce qui concerne ton label, est-ce quelque chose que tu as découvert par le biais du punk rock ou bien cela s'est imposé par soi-même, comme une évidence ?

Bah, un peu des deux. D'abord (et sans appeler ça DIY), je me suis toujours démerdé seul à sortir mes démos, trouver des dates, bref bouger mon cul parce que j'ai horreur d'attendre sur quelqu'un, je suis trop pressé, impatient et impulsif pour ça et de toute façon DKDN n'aurait jamais vu le jour si j'avais attendu. Ensuite, j'ai découvert l'esprit DIY via la scène punk/HxC actuelle, le net m'a permis de découvrir pas mal de trucs, et notamment Burn Out. Bien entendu, je connaissais quelques distros de black mais ce n'était pas DIY, juste de la distro (avec des prix merdiques). C'est surtout avec le DIY et le non profit que j'ai trouvé l'alternative qui me correspondait le mieux. Avec SHALL NOT KILL, y'a aussi 213 Records qui s'est monté, et une distro avec de tels prix, pas loin de chez moi, m'a permis d'acheter des skeuds de groupes que je ne connaissais pas, d'élargir ma culture punk/HxC, et donc de découvrir encore de nouveaux aspects du DIY. Ca m'a permis de voir ce qui se faisait, de mettre une étiquette là-dessus (même si c'est secondaire, faut appeler un chat un chat) mais c'est clair que ça s'est imposé naturellement. Je ne me vois pas procéder autrement.

Altsphere a un peu le cul entre plusieurs chaises musicales, ce qui est loin d'être un mal. Quels échos reçois-tu de la part des différents milieux dans lesquels tu évolues, que ce soit rapport à la nature de tes sorties et toujours à propos de la démarche radicalement indépendante que tu as adoptée ? Je veux dire, "pas assez punk pour la scène punk rock", "trop DIY pour la scène métal", etc.

Déjà, y'a très peu d'échos, et comme toute distro (à mon avis), c'est un gouffre, ça bouffe du fric et du temps. Mais bon, après tout, c'est ça une passion. T'as bien décrit la chose. A part quelques échanges avec des distros, les gens restent cloisonnés dans leur scène. Les punks sont toujours effrayés quand tu distribues du black métal (qui a la réputation d'être une zik de fachos). Si ces gens prenaient le temps d'écouter, de lire les paroles, ils verraient que y'a pas de NSBM dans ma liste. D'un autre côté, la scène métal comporte quelques distros ouvertes, en général sur les musiques plus électroniques, industrielles et ambient. Sinon, il y a de rares personnes qui s'en foutent. Hirax/Hrom, label tchèque, distribue du punk et du métal, il y a deux noms différents pour séparer les prods mais au final ce sont les même gens qui gèrent ça. Il y a aussi Kurgan et Luna de chez D.U.K.E. qui peuvent distribuer du EXPLOITED comme du TEMPLE OF BAAL. Ils s'en foutent que ce soit engagé dans un extrême ou l'autre, ce sont de gros nihilistes qui pensent uniquement sex, drugs & rock'n’roll. Rien à foutre du reste. D'ailleurs, dans la scène métal, c'est une des rares distros à avoir apprécié EMMOS. Ils comparent ça aux STOOGES.
Mais il est vrai que la majorité des distros black métal ont déjà du mal à distribuer du death, du heavy et encore pire de l'indus. Alors je ne te parle même pas de distribuer du punk/HxC ! D'ailleurs, sur les forums à la con, on me surnomme le « Bérurier Noir du black métal ». Fait chier, ils auraient pu mettre autre chose que les BERUS quand même... Sinon, il y a aussi la scène électro/indus et dérivés qui me paraît bien hermétique. A part les netlabels et quelques gars sympas, cette scène n'est pas très « démos et distros ». Une sorte d'élitisme, faut toujours de beaux cd pressés et de jolis flys cartonnés. Bien sûr je généralise, suffit de regarder les side projects de SHIZUKA, he hé. Enfin voilà, c'est dur d'être au milieu de tout ça et d'aimer écouter et distribuer des trucs différents... Bon, pas si différent que ça : le fanzinat, la distribution, les démos avec cover photocopiées... Tu retrouves tout ça dans le punk ou le black. De toute façon, j'ai pris l'habitude de toujours tout faire de travers et de ne pas suivre les codes musicaux traditionnels, alors si je ne suis que le vilain petit canard des distros, j'en ai rien à foutre.

Tu te moques de ce que les gens pensent de toi, c'est pour ça que t'as décidé de produire autant de disques différents sous des noms tout aussi différents ? L'envie de dérouter pour faire chier ou remettre les choses en perspective, détourner les attentes de l'auditeur (comme avec Oxis.Moron) ?

Non, c'est logique pour moi. J'aime plusieurs genres, donc je sors ce qui me plaît. Tu prends le truc à l'envers. Ce n'est pas parce que je me moque de ce que les gens pensent que je sors différents trucs, mais plutôt parce que je sors des trucs qui me plaisent que je me moque de leur avis. De même, je ne sors pas des trucs pour faire chier le monde ou pour dérouter l'auditeur, mais simplement parce que j'ai envie d'enregistrer ça. Je ne me soucie pas des échos, si ils sont bons tant mieux, sinon rien à foutre. Oxis.Moron est un peu particulier. En fait, j'en avais marre que les gens pensent que « l'ambient ce sont des morceaux longs et progressifs ». J'en avais marre de composer des trucs longs, j'étais plus inspiré pour faire de courtes pistes. Après écoute, j'ai écrit le texte sur la cover à propos des codes parce que ça collait bien mais ce n'était pas le but premier. Pour tous mes projets, l'idée première est de faire ce que j'ai envie à une période donnée. Tout être est en constante évolution, pour ça que tout ce que je sors est si varié et changeant.

Ok, mon assertion était peut-être un peu maladroite, mais je suis pas sûr que ce soit aussi simple que "j'ai envie de faire ça à un moment donné, alors je le fais". Analyse à la con peut-être mais pour moi, cette profusion de disques et de styles musicaux abordés représente l'évolution la plus significative et intéressante de ton concept de départ, DER KAISER DER NARREN...

Ha ouais ? Il existerait alors un lien inconscient entre tout ça ? Pourtant, l'indus de JeFF est à mille bornes des ziks d'EMMOS ou de DEAD MUSICIAN... Le seul petit lien que je peux voir c'est que, étant donné que DKDN ne comportait plus de partie de synthé comme sur la première démo, j'ai fait le projet JeFF en poussant au plus profond le bidouillage électro/indus et consorts... Mais sinon, il n'y a rien qui suive le concept de DKDN, ou alors c'est loin d'être voulu et, à vrai dire, je ne le vois même pas...

En, fait, je voulais plutôt souligner par là ton rapport quasi schizophrénique à la musique. C'est comme si, avec le temps, tu étais parvenu à réaliser le concept de DKDN (je parle de sa philosophie, pas de sa musique) en multipliant les disques, donc les personnalités... de ce fait amplifiant un peu plus la folie du personnage... Car après tout, c'est toi qui reste derrière cette multitude d'appellations...

Wow... J'y avais jamais pensé... Là je suis tout à fait d'accord. En même temps, si avec Kaiser j'ai choisi de partir sur le thème de la folie, ça n'était pas anodin... Sinon, je ne parlerai pas de plusieurs personnalités mais plutôt de facettes. Ca c'est naturel, ça vient comme ça. Donc forcément, ça représente toujours une partie de moi, comme je l'ai déjà dit, à une période donnée. J'ai besoin de ça pour (sur)vivre, je ne peux pas passer une journée sans composer, jouer, enregistrer ou tout simplement écouter un disque. IMPOSSIBLE ! Je sépare un peu les styles sous divers projets pour que l'auditeur s'y retrouve un minimum, imagine le foutoir si tout était sorti sous le nom de JeFF... Chaque disque d'un même projet a déjà moult facettes, alors si en plus j'avais mélangé tous les projets... Laisse tomber.

D’ailleurs, y a-t-il un projet que tu affectionnes plus qu'un autre ? Pourquoi ? Quel regard portes-tu sur la qualité d'ensemble de tes prods ?

Forcément, j'affectionnais DKDN. Le seul « vrai » groupe que j'ai eu, celui avec lequel j'ai donné des concerts et qui a occupé 4 ans de ma vie. Sinon, il n'y a pas de préférence, je fais des trucs différents et complémentaires donc je ne peux pas comparer. J'aime tout ce que je fais sinon je ne le ferais pas. Tant que le mix me plaît et que la pochette a un sens pour moi, ça me suffit. Niveau qualité, je suis satisfait au moment où ça sort, après c'est sûr que comme j'évolue avec le temps, les vieux trucs ne me bottent plus autant qu'au jour de leur sortie. Ca rappelle encore l'idée de période donnée et d'instantané.

A ton avis, se réfugier dans la musique (ou dans l'écriture également, en ce qui te concerne), c'est une façon de se positionner hors du monde qui t'entoure ou un premier pas vers l'affrontement ?

Question très intéressante ! Les deux, en ce qui me concerne. Si la zik ne servait qu'à s'évader, je n'écrirais pas ce genre de texte. C'est peut-être contradictoire, mais m'enfermer dans mon « home-studio » (c'est un grand mot), ça me permet de me couper du monde c'est sûr, mais dès que je sors un morceau de là, c'est une nouvelle grenade prête à exploser à la gueule du système !

Je reviendrai sur le sujet un peu plus tard. J'aimerais à présent savoir comment t'es venue l'envie de faire un zine.

J'ai pas « eu l'idée » de faire un zine. Ca s'est imposé. Période de merde, 4 mois renfermé sur moi-même, caché dans mon appart, j'avais besoin d'écrire pour avoir un semblant de communication dans mon quotidien. Après, pour sortir ça sous forme de zine, j'ai été inspiré par ton « Cliché ». Même quand ça semble aller mieux, j'ai besoin d'écrire. C'est devenu une habitude, et y'a tellement de choses que j'ai besoin de gueuler de manière moins subtile que dans une zik, au moins ça sera plus lu que mes lyrics et ça me permet d'extérioriser ma colère d'une manière différente.

Tu penses que le titre du zine conditionne ta manière d'écrire ?

Non, c'est l'inverse. Comme j'écris souvent sous la colère, j'écris avec un style direct et brut. C'est de là que vient le nom, tout simplement. Et c'est là où je te disais que c'est complémentaire avec la zik, parce que j'ai plus de mal à écrire ainsi pour des paroles, c'est souvent en anglais et avec des tournures un poil moins agressives, et c'est le chant qui apporte le côté rageur. Avec le zine, ce ne sont que des lettres sur du papier, donc ma manière d'écrire contient tout et se suffit à elle-même. Après, y'a les interprétations et la manière de lire du lecteur, mais je pense que ça ressort comme je l'écris à la base. Brut.

Y'a justement un leitmotiv lancinant qui revient régulièrement dans tes écrits. Le dégoût de ce monde dans lequel tu vis, teinté d'une ironie lucide quand à ta place dans cet immense mécanisme social et humain. Je sais qu'à un moment donné tu te sentais mal à l'aise par rapport à ça, au point de vouloir arrêter d'écrire par exemple. Jusqu'à quel point ce sentiment de « ne pas être à ta place » peut-il t'affecter ?

C'est bien plus que du simple dégoût. Je me sens comme étranglé, étouffé par tout ça. Ce rejet m'oppresse ou peut-être même que je me crée cette oppression parce que je suis mal à l'aise, j'en sais rien. C'est un truc indescriptible. J'ai beau faire plein de zik, continuer à aller à la fac, avoir ma petite vie avec Morgane, je ne prends pas goût à ce monde. Je ne sais même plus si c'est la société moderne qui me dérange ou alors si c'est juste vivre. Je crois que même en vivant en ermite au fin fond d'une forêt, y'aurait toujours certains trucs qui viendraient te faire chier. Ca se résume par des pensées, à première vue futiles, que tu peux avoir en étant dans un bus, dans la rue, à un repas de famille. D'habitude, on dit que les proches te permettent de te ressourcer mais même en famille je ne suis pas à ma place,quand je vois comment mon frangin et ma soeur tournent et les discours qu'ils ont, la niaiserie de leur quotidien soumis à l'économie libérale... Enfin bref, c'est qu'un détail parmi tant d'autres. Tout ça est plus ou moins équilibré grâce à tous les exutoires que je me crée, mais qui sait jusqu'où ça m'affectera... Je suis très suicidaire au fond de moi mais j'essaie de me contenir en trouvant des excuses à la con du genre « J'ai pas fini mon oeuvre musicale alors faut pas que je crève ». De toute façon, l'acte en lui-même est peut-être trop dur à réaliser (en tout cas pour le moment ; j'ai trop de choses qui me raccrochent à cette vie), mais on en parle assez souvent avec Morgane, on a le choix de ne pas se laisser vieillir et devenir des vieux cons qui ne peuvent rien faire de leurs journées à part espionner leurs voisins et faire chier... En gros, je vis quand même, comme je peux, j'arrive à passer des moments heureux mais c'est toujours présent en moi. De toute façon, comme a dit Cioran, « C'est trop tard je suis déjà né, c'est ça le mal ».

Si je suis bien ce que dit Cioran, je peux en déduire qu'au final, le pire étant arrivé à notre naissance, nous n'avons de ce fait rien à perdre, alors autant se jeter à corps perdu dans la bataille. Du simple plaisir d'écouter un disque, jusqu'à la révolte et l'activisme sociopolitique qui peut en découler, où te situerais-tu ? Es-tu satisfait de ton investissement personnel dans les causes qui te sont chères ? Te sens-tu parfois résigné, et surtout qu'est-ce qui te redonne la motivation nécessaire pour continuer à te battre ?

Je me situe entre l'écoute d'un disque et l'activisme, je pense. Il y a des personnes bien plus engagées que moi. Peut-être aussi que je manque de temps et de courage pour aller monter un squat ou faire ce genre de trucs. Je suis satisfait de ce que je fais bien sûr, même si je me demande si c'est toujours utile et visible. La pire chose est de te bouger le cul à fond et de voir que personne ne réagit, que rien ne change. Si j'étais un activiste courageux, j'irais poser des bombes devant les banques et les institutions, les maillons de l'économie, etc. Mais j'imagine déjà comment ça serait tourné aux yeux de la population. Pourtant, dans ce monde, il faut poser des bombes pour être écouté. C'est dans ma colère et mon dégoût que je puise la force de continuer. Je suis dans un état second lorsque je suis sur les nerfs et que je ne supporte plus rien, là je fonce tête baissée au front. Parfois, y'a les moments où tu veux tout arrêter, j'ai failli lâcher la distro, le zine et tout ça y'a pas si longtemps, et grâce à des rencontres et des discussions j'ai repris du poil de la bête. A trop rester enfermé dans un cercle, à trop en faire trop vite, tu finis par te dire que ça ne sert à rien. Mais j'ai la chance (je prends ça comme une chance, oui) d'être impulsif et d'avoir une telle rage qui me botte le cul quand je commence à m'ensevelir dans un défaitisme à la con. C'est encore un sujet sur lequel je réfléchis en ce moment, l'utilité de faire des actions quotidiennes uniquement vues par une minorité plus ou moins déjà dans le même bain. La majorité ne se soucie pas de ce que tu fais et ne sais même pas qu'il existe des alternatives. Tu vois, mon discours est toujours plein de contradictions, je continue à lutter pour des gens (que je pense) déjà standardisés et qui aiment cette putain de vie. Je n'arrive pas à rester là, les bras croisés, en attendant que l'oppresseur m'étrangle...

Peux-tu me parler de No Music Business Here ? C'est un thème qui revient souvent dernièrement, aussi bien dans ta démarche musicale (cf. encore une fois Oxis.Moron) que dans tes écrits (Brut #7).

C'est le ras-le-bol du moment. Ce n'est même pas contre les ziks médiatisées, qui sont à la base des musiques pour faire du fric, mais bien contre le punk et le black métal. Ces deux genres (parmi d'autres) ont pris une tournure pourrie ces dernières années. Ca veut vendre, alors ça tape dans le cliché. Fini le punk engagé, fini le black métal malsain, crade et destiné à une minorité, des groupes sortent des skeuds à la zik facile, aux idées inexistantes pour vendre ça à la masse. Je ne citerai personne, mais y'a une chiée de groupes de punk qui ne savent pas ce que signifie être engagé, tout comme il existe une scène black métal qui fait au final de la pop saturé avec quelques cris. Ce qui est encore pire, ce sont les groupes qui ont retourné leur veste avec le temps. Heureusement, à côté de ça, il reste des mecs qui font ce qui leur plait sans se soucier de vendre ou non et qui ne chope pas la grosse tête. Je peux citer l'exemple extrême de Lhükkmer'thz (ZARACH BAAL THARAGH, STIGMA DIABOLICUM et divers side projects) qui fait du black depuis 1983. Partout dans le monde les gens lui vouent un culte, et pourtant il continue à faire sa soupe sur 4 pistes K7 et s'en fout, il ne réalise même pas combien sa musique si crade et crue est monstrueuse. Il reste lui-même. Il est aussi le parfait exemple du black métalleux ouvert, il écoute plein de trucs des 70's et même si des labels le sortent en CD ou en LP, il continue à dire que ça reste des démos. Ce mec m'a redonné goût à la musique alors qu'à la fin de Brut #6 je disais que j'en avais marre. C'est le genre de rencontre qui t'influence forcément. De là, je me suis dit que j'allais faire quelques disques pour essayer de titiller tous ces connards qui ont fait des musiques alternatives de la merde à vendre. J'espère qu'ils entendront mes cris, ça m'évitera d'aller une fois de plus les insulter sur un forum.

Tu t'es déjà imaginé vivre de ta musique ? Si oui, ça ressemblait à quoi (ta vie, ta zik) ?

Je m'attendais un peu à ta question :-). Si ça arrive un jour,c'est sûr que ça sera le temps des compromis, mais dans le bon sens. Ma musique de changera en rien, je devrais m'assurer que les mecs qui sortent ça ne vendent pas ma zik très chère et surtout que ça sortira jamais à la FNAC et compagnie. Pas envie de retrouver un de mes skeuds à 20€ le premier mois et ensuite en cheapos (enfin pseudo cheapos) à 9€. Ma vie changera, je serai plus obligé d'aller à la fac assurer la planque chaque année et me faire chier à rester le cul assis toute la journée à écouter des vannes de geek dont je n'ai que faire. Là aussi, je ne me sens pas à ma place, tous les mecs sont à fond dedans, c'est leur passion, ils vivent dans leur monde informatique où tout va bien tant qu'ils ont les yeux rivés sur un PC, mais là je n'ai rien à dire, chacun sa passion, c'est pas la mienne. Bref, ma vie changerait pour ça, sinon je ne vois pas. C'est sûr que ça serait l'extase, mais comme ça ne sera jamais le cas, je continuerais à m'auto produire comme je l'ai toujours fait.

Ok, mais si c'était le cas, aurais-tu forcé le destin ? Pour moi il y a une différence entre le vouloir et le subir. Pour ma part je refuse les deux, mais j'aimerais avoir ton point de vue là-dessus, désolé si j'insiste).

Je suis pas du genre à croire qu'il y a des Norns qui tissent la toile de ton destin, je laisse ça aux Vikings. Je n'ai pas forcé le destin, c'est pas mon but, ça sera bien, voilà tout, mais comme tu peux le voir, je pense que ça n'arrivera jamais. Si j'avais voulu forcer le destin, je ferais de la zik bien plus abordable pour l'auditeur. Sinon, je ne subis pas non plus puisque je ne vis pas dans l'attente d'une opportunité. Ca reste du domaine de l'imagination. Ca n'arrivera jamais et si un truc du genre arrive, je sais déjà qu'il y aura tellement de contraintes de profit, de distribution et tout ça que je refuserai la proposition... Alors inutile de tergiverser.

Qu'en est-il de Punishment Park ? Pourrais-tu me décrire ce que t'as ressenti quand t'as vu ce film ? Pourquoi avoir décidé de faire un disque autour de ça ?

Ah la merde ! Ce putain de film m'a foutu en rogne ! Je l'ai vu pour la première fois très récemment. C'est le genre de films qui te pousserait à aller poser des bombes dans un élan de folie libertaire ! Un disque s'imposait, histoire que des gens se demandent ce que c'est et le visionnent. D'ailleurs, en ce moment je suis à la recherche de « La Bombe » du même réalisateur. Je suis friand de ce genre de films mais est-ce que ça fait réagir la masse ? Et même s'ils réagissent, est-ce qu'ils vont pour autant se bouger le cul pour faire quelque chose ? Punishment Park n’est qu'un exemple, mais au final tous les gouvernements abusent toujours de leur pouvoir miteux, et je ne te parle même pas de l'abus des autorités armées. D'ailleurs, un CRS que je connais m'a sorti « Les ordres pour les contrôles d'identité, c'est d’abord les maghrébins et les cheveux longs ». Si ça c'est pas une manière de standardiser la population... Tu veux pas que les flics te fassent chier, coupe toi les cheveux, mets un costard et va bosser... Bref y'en a plein des exemples dans le cadre quotidien. Sert à rien d'en dire plus, ça me fout sur les nerfs…

T’as des copains CRS toi ?

Un ex-gratteux des UPCOMING SPLIT en fait. Donc voilà, bon ça clashe toujours quand on discute politique, vie sociale. Voilà, quoi.

Comment es-tu venu au végétarisme ? Comment est perçu ce mode de vie autour de toi (parents, amiEs) ? Il me semble que tu as adapté les paroles du Meat Is Murder des SMITHS à un morceau de ton propre cru...

C'est pas compliqué, en fait j'y pensais depuis longtemps mais je ne connaissais pas le tofu et tout ça donc j'ai mis du temps à me lancer. J'ai toujours eu 7,8 chats chez mes parents et je ne voyais pas pourquoi on devait manger des animaux sous prétexte qu'ils ne sont pas domestiqués dans notre pays. Donc, en partant de là, manger un chat ou une vache c'est identique pour moi. Voilà le point de départ. Après, j'ai pris du temps pour y réfléchir encore (en ayant notamment des discussions avec toi ou Dan) et me renseigner sur les alternatives et les autres points positifs du végétarisme. Mes ami(e)s acceptent bien le truc en disant que chacun a son idéal, etc., mais bon je me tape toujours les blagues débiles du genre « Toi t'as pas besoin d'assiette, y'a du gazon dehors »... Le pire, c'est pendant les repas de famille, mes parents s'en foutent mais les frangin(e)s sont reloues avec ça. Enfin, c'est juste histoire d'avoir une raison de plus de se détester.
En effet, j'ai décidé de mettre les paroles de « Meat Is Murder » sur un morceau de black de THE DEAD MUSICIAN. J'avais envie de chanter des trucs du genre, mais difficile d'écrire sur un sujet qui revient souvent dans le punk/HxC, et je ne voulais pas réécrire des paroles qui ressembleraient trop à d'autres, donc je me suis dit « Autant prendre celle des SMITHS ». D'ailleurs, cette zik est associée à une compo (texte et zik) perso sur le même thème pour un futur EP de THE DEAD MUSICIAN. Comme je n'ai pas les moyens de sortir un 7" avant un moment, j'ai cherché des labels intéressés, mais là encore dans la scène black métal le sujet ne plaît guère et dans la scène punk la zik ne passe pas. Tant pis, ça sortira un jour, peut-être en CD-R si je suis trop pressé, sinon quand j'aurais mis un peu de thunes de côté.

Tu vas l’envoyer à Morrissey ?

J'y avais pas pensé, je vais essayer de faire ça, ça pourrait être fun en effet.

Peux-tu me parler de ton label ? Quelles satisfactions en retires-tu ? Quelles sont les difficultés les plus notables que tu dois affronter ? Quand tu penses au réseau DIY mondial, ça te fait quoi de te dire que tu en fais activement partie ?

Que dire sur Altsphere ? J'en suis à plus de 30 prods, 1 compile pressée (« Sombre Fracture ») et que du CD-R. Je sors uniquement mes projets et les groupes qui me plaisent. Mes satisfactions se résument surtout par la découverte de groupes énormissimes via des échanges avec d'autres distros, et pis comme je m'auto produis il n'y a aucun délai, aucune contrainte, pour ça que tout s'enchaîne si vite. Les difficultés, bah c'est le fric, qu'on le veuille ou non. La poste me ruine, et je n'ai pas les moyens de sortir ce que je voudrais, notamment du vinyle. Mais bon, je fais avec, ça s'améliorera avec le temps je pense... J'espère... Il n'y a pas des masses de gens qui osent acheter dans les distros, surtout des trucs qui leur sont inconnus. Pour ça qu'en essayant de mettre toujours les prix les plus bas que je puisse faire, j'essaie de forcer la main à une paire de personnes. Mais bon, souvent on me sort que le prix est synonyme de qualité, ça me fait chier. Sinon, je ne pense pas souvent au réseau DIY mondial. Je pense que c'est un truc trop énorme de toute façon. Le net m'a permis de contacter plein de gens mais pas autant que j'aimerais. J'apporte ma pierre à l'édifice, c'est une passion, je ne compte pas le temps que j'investis là-dedans. Ca ne me fait rien de savoir que j'en fait partie, y'a que les posers qui ont besoin d'appartenir à quelque chose pour se sentir exister.

Tu te vois où dans 30 ans ? Quel regard porteras-tu sur tout ce que tu auras accompli, musicalement, politiquement, créativement parlant ?

Déjà, je ne me vois pas dans 30 ans. J'ai déjà du mal à me voir dans 1 an... Je n'arrive pas à m'imaginer ce que je penserais. Si je vis jusque là, j'espère que ça ne sera pas fini, que l'évolution aura continué niveau zik, politique... Mais là, je ne peux t'en dire plus, je ne vis pas dans l'optique de m'arrêter un jour de faire ça, et je ne songe pas du tout à la notion « d'accompli » ou « d'acquis », je me remets toujours tout en question pour évoluer. Donc j'en sais rien...

Une petite playlist music / bouquins / films qui t'ont botté dernièrement.

Alors, en ce moment sur la platine c'est THARGOS « Black Metal Punkz » 7’, SODOM 2xLP, les 2 LPs de BARONESS, le dernier SHALL NOT KILL CD, HELLOWEEN « Keeper Of The Seven Keys Part 3 » 2xLP, les dernières démos de ZBT et STIGMA DIABOLICUM, HAWKWIND « In Search In Space » CD et le « Quark Strangeness & Charm » LP, pis en prévision les nouveaux AMON AMARTH et MAIDEN... Niveau bouquins, en ce moment c'est « Bouddhisme : culture, histoires... », et niveau films qui tuent, Stay, Punishment Park, un énième visionnage de Brain Dead, ainsi que la trilogie Coréenne Sympathy For Mr Vengance, Old Boy et Lady Vengeance.

Ta blague favorite ?

Allez, en deux mots, c'est deux saucisses (végétariennes ou non) dans un micro-onde, la première dit « Hou la la il fait chaud ici » et la seconde répond « Haaaannn une saucisse qui parle »…

L'emo de la fin ?

Le dernier DAÏTRO ou le dernier GANTZ ?! Bah forcément, merci à toi pour toutes les discussions qu'on a eu, les chroniques, les textes, ton soutien qui compte beaucoup et bien sûr cette interview (qui je l'espère n'intéressera personne, histoire que tu connaisses un crash financier dans la vente de ton zine hé hé). Sinon, bah le marché est très prometteur, alors je vais m'inscrire à la Star Ac' l'année prochaine, paraît que cette année y'a un ex-chanteur de death métal et du groupe de metalcore Inhatred qui y est allé. Donc ça pourrait le faire pour moi. Eh ouais, c'est fini LAURENT BOYAU (ndlr : ah, quel bon groupe…), maintenant c'est TF1 gui gère la boîte à musique. Sinon, pour être un peu moins comique, y'a la première démo de mon projet avec Morgane qui sort, de l'anarcho-doom, ha ha. A bientôt doody. bizzz, merci pour tout.

jeudi, août 31, 2006

A Journey Into Female Music Part 1

En parallèle de mes chroniques habituelles, je posterai chaque mois mes impressions sur quelques disques de chanteuses ou de groupes avec des filles dedans qui m'auront plu, des trucs découverts ou redécouverts au fil de mes pérégrinations chez mon disquaire préféré. Voilà, c'est tout.

Laurie Anderson, Big Science.

C’est Rodrigo, mon amant Chilien, qui me parla de Laurie pour la première fois. Apparemment, son père était raide dingue de cette femme et lui avait transmis le virus. Curieux, je télécharge un ou deux titres. Mouais, sans plus. 6 mois plus tard, je tombe sur un de ses albums dans un bac à cheapos chez Médéric. Big Science. Un disque qui ne ressemble à aucun autre, transcription studio d’un concert de plus de 8 heures qu’elle avait donné à New York au début des années 80. De l’anti-musique par excellence, expérimentale et viscérale par essence. Je crois pas avoir entendu un truc pareil en plus de 20 ans d’écoute. Laurie ne chante pas. Elle parle. Des spoken words déclamés sur un lit de clous, trame sonore à la fois minimaliste, répétitive, absurde et épique. Une version cynique et androïde de Lydia Lunch. Description d’un monde qui répond aux abonnés absents. Ces textes et cette musique m’évoquent deux films en particulier : Hardware de Richard Stanley (c’est prégnant dans les sons utilisés, du farfisa trafiqué jusqu’aux synthés glaciaux) et Kairo de Kyoshi Kurosawa (cette scène effroyable où les protagonistes voient un avion s’écraser). Bref, un disque à écouter seul chez soi dans un accès de misanthropie, quand t’as envie que tout le monde crève.

Cathy Davey, Something Ilk.

La curiosité a toujours du bon. Sans cette qualité, je me serais retrouvé orphelin d’un bon disque de plus. Cathy Davey est Irlandaise, blonde comme les blés, chétive et craquante. Elle a la voix d’une adolescente de 15 ans, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de la chanteuse d’Honey Is Cool (pop suédoise parfaite, j’en parlerai une prochaine fois). Son premier album est sorti en 2004 et c’est une bombe à retardement. En effet, son Something Ilk a longtemps traîné dans mes bacs sans que j’y prête attention. Trop de trucs à écouter. Et puis un jour j’y jette une oreille. Puis deux. Puis sa galette tourne en boucle sur ma platine. C’est toujours comme ça. Le genre de disque insignifiant au premier abord, mais qui se révèle vite, aussi bien par sa simplicité désarmante que par son évidence géniale, tout bonnement indispensable. Pop des beaux jours, musique du soleil, des tubes à la pelle. Anglaise par définition (elle doit beaucoup aimer Echobelly et les Boo Radleys), mais pas que (les Lemonheads et PJ Harvey tiennent une grande place dans son cœur), sa musique est un remède on ne peut plus parfait contre la morosité ambiante, accompagnant ces soirs où tu n’as plus goût à rien parce que tout le monde est parti faire la fête sans te prévenir (comme d’habitude). A écouter juste avant d’aller se coucher, en buvant un dernier verre de Scotch, histoire de s’endormir avec le sourire aux lèvres, pas trop déprimé.

Linda Hoyle, Pieces Of Me.

J’aimais beaucoup les deux albums de son ancien groupe, Affinity. Rock bluesy psychédélique avec une vraie belle voix féminine, du genre de celles qui remuent les papillons cachés dans ton ventre. Je les écoute régulièrement, c’est un fait. Mais pas autant que son seul et unique essai en solitaire, Pieces Of Me. Là, on atteint des sommets rarement égalés dans l’histoire de la musique au féminin. Vocalement, Linda est à son apogée. Je te mets au défi de fermer les yeux et de me dire, à la première écoute, si la belle qui s’époumone au micro est une diva de chez Motown ou une chanteuse italienne de cabaret. Musicalement, c’est un festival de sons hauts en couleurs. Jazz, soul, blues, heavy rock, le mélange est parfait, toujours harmonieux, jamais lourdingue. On passe allégrement de boulettes furieuses et enflammées (Black Crow, le morceau titre Pieces Of Me) à des chansons intimistes capables de faire pleurer à chaudes larmes (For My Darling, Lonely Woman), toutes touchées par la grâce de la guitare du légendaire Chris Spedding. Quant à Rapid Tulips, elle préfigure carrément le Impossible de Christina Aguilera tout autant que le If I Ain’t Got You d’Alicia Keys. Les textes méritent également que l’on s’y attarde, fustigeant le gouvernement Nixon dans sa gestion du conflit Vietnamien (Backlash Blues) et célébrant Valerie Solanas, la New Yorkaise derrière le célèbre SCUM Manifesto (Hymn To Valerie Solanas). Bref, un disque moderne et pas anachronique du tout, même 35 ans après sa sortie.

Chaka Khan, Rufusized (Rufus featuring Chaka Khan).

La carrière de l’artiste Afro-américaine est foisonnante. Beaucoup d’albums solos dispensables sortis dans les années 80 (cette décennie de merde n’aura pas été tendre pour les soul womans, et je parle même pas de la fin des 70’s et de l’avènement du disco), en dents de scie dans les années 90 (sa contribution au All Good de DeLaSoul est tout ce qui reste à sauver). Par contre, tu peux te ruer sans hésiter sur son Chaka sorti en 1978 (avec I’m Every Woman, le tube intemporel par excellence), ainsi que les six albums écrits en collaboration avec le groupe Rufus, de 1973 à 1978 (le Masterjam de 1979 est une sombre merde par contre). De cette période bénie, j’aimerais surtout retenir ce Rufusized, condensé apocalyptique de tout ce que j’aime dans la soul féminine. Des instrus langoureuses et toujours dancey as fuck qui mettent en valeur la voix exceptionnelle de Chaka. Isaac Hayes meets Les Rues De San Francisco (forever Karl Malden), les cuivres s’emballent et suivent tant bien que mal des riffs de guitare qui funkent en roue libre, tandis que les claviers installent des ambiances propices au remuage de popotin et que Chaka chante (de la plus belle des manières) qu’elle est une femme et qu’on ferait mieux de ne pas la chercher.

Mandy Morton & Spriguns, Magic Lady.

Suis tombé sur ce disque chez Médé. Un peu par hasard, à vrai dire. Pochette ésotérique. Disque bleu. Une chanson, Music Prince, qui me rend dingue à chaque fois que je la passe. Le morceau folk parfait. Tout l’album est comme ça (Magic Lady). Un recueil de comptines qui te redonnent le moral ou t’allongent en 3 minutes. On peut considérer ce disque comme son premier en solo, même si elle reste accompagnée par les membres de son ancien groupe (Spriguns Of Tolgus), dont son mari, Mike Morton. 12 chansons aux influences très diverses, allant de la ballade folk classique à la fresque progressive teintée de mélodies d’inspiration médiévale, en passant par quelques tubes carrément plus rock et rythmés, avec en ligne de mire ce même point commun : la voix incroyablement dense et profonde de Mandy.

Genya Ravan, Goldie Zelkowitz.

Tout le monde se souvient de Janis Joplin. Même sans avoir écouté le moindre de ses morceaux, son nom reste gravé à jamais dans l’inconscient collectif. Evidemment, on ne peut pas en dire autant de Genya Ravan. Peut-être parce qu’elle n’est pas morte à l’apogée de sa carrière ou qu’elle ne vivait pas le rock’n’roll lifestyle des 70’s à 200%. Toujours est-il que l’ex-chanteuse des Ten Wheel Drive reste une des plus talentueuses divas que la soul aie connu. Des concerts aussi intenses et physiques que ceux de Tina Turner à la grande époque, une paire d’albums grandioses, dont surtout ce Goldie Zelkowitz sorti en 1974. On y retrouve aussi bien les senteurs bucoliques du bayou américain (en atteste la reprise hallucinée du Whipping Post de Gregg Allman) que la chaleur du pavé de Detroit (les pontes de Motown aurait du faire preuve de courage et la signer sur leur label). Un voyage en compagnie de la voix de Genya, tour à tour sauvage (Little By Little), exubérante (Easy Lady), sensuelle (Breadline), vocalement très proche de Prince sur son Purple Rain (de murmures lascifs en déchaînements lyriques incontrôlables), rendant ce disque incontournable pour tout adepte de groove obscur et viscéral.

I Don't Wanna Party

“I don’t wanna party, I just wanna drink, I don’t want to socialize with people who can’t think, leave me alone is my advice, I don’t like your kind and I won’t compromise. I don’t wanna party with you, you and you. Cultural buzzword number one, party hard if you wanna have fun, boring clones is all I see, with identities bought from MTV.”

C’est une chanson des Sunday Morning Einsteins. Elle résume bien la misanthropie latente qui m’étreint en cette heure tardive. Ce soir je suis sorti, comme presque tous les soirs. Mais le cœur n’y était pas. Trop de cons, trop de gens que j’avais pas envie de voir. Alors j’aurais peut-être pas dû foutre le nez hors de chez moi. J’aurais peut-être pas dû aller aussi loin de chez moi. Depuis quelques temps, je me suis délimité un périmètre de sécurité qui exclut une bonne partie de la ville. J’habite au centre de trois points névralgiques, trois endroits qui font que je me sens bien ici, à Metz. La Face Cachée, le repère de Médéric, un shop rempli de disques rares, du bon café, des sourires, des gens biens. Le Tunnel, pareil que la Face Cachée mais sans les disques et avec de la bière à la place du café. L’Elixir, pareil que le Tunnel. Ces trois lieux à 100 mètres ou presque de mon modeste appartement. J’aime y traîner jusqu’à pas d’heure. J’aime y passer des moments, seul avec moi-même ou accompagné. Y’a peut-être de l’habitude là dedans, mais aussi un profond sentiment de bien-être et de sécurité. Je dis pas que c’est bien. Je constate simplement ce qui est. M’aventurer au delà de ce Triangle des Bermudes Messin revêt donc tous les aspects du survival pur et dur. Le centre-ville prend alors les allures du Texas décrit par Tobe Hooper dans Texas Chainsaw Massacre. Sauf que j’ai pas de tronçonneuse dans les mains. Si j’en avais une, le Républicain Lorrain se transformerait en journal entièrement dédié aux rubriques nécrologiques.

Metz est une ville de bons vivants, c’est indéniable. Tu fais pas deux mètres sans croiser un mec ou une fille bourrée. Tu passes pas cinq minutes à discuter avec quelqu’un sans apprendre qu’untel a terminé minable dans telle soirée où t’étais pas. Tiens oui d’ailleurs, pourquoi tu y étais pas ? Bah je sais pas, on m’avait pas prévenu. Et tu faisais quoi de beau hier soir ? Oh tu sais, boire une bière, écouter un peu de musique, converser… les trucs que je fais tous les soirs. Ah ouais, t’aurais dû venir quand même. Bof, on m’avait pas invité, je vais pas là où on a pas envie que je sois, tu sais.

Et la discussion tourne en rond. Indéfiniment. J’ai appris qu’il y avait une soirée qui était organisée pour je ne sais plus quelle occasion. Tout le monde est au courant depuis un moment, sauf moi. Je feins une excuse à la con. J’aimerais bien y aller, pourtant. Je me sens bête. Mais c’est trop tard. Orgueil, vanité, sentiment d’être mis de côté au profit d’autres personnes plus sociables que moi. Et à la limite, c’est pas plus mal comme ça. J’ai pas besoin de prouver quoi que ce soit. Que je suis un type cool, sympa, de toutes les bonnes sauteries, le bon mot pour rire, toujours le sourire aux lèvres.

Je suis accoudé au comptoir, une bière à la main. Le concert vient de se terminer. Ca rentre et ça sort, les portes battantes n’arrêtent pas de couiner. Y’a du bruit. Beaucoup de bruit. Le brouillard formé par la fumée des cigarettes envahit le lieu. C’est une ambiance que j’apprécie, habituellement. Mais là, à l’instant même où je te parle, y’a un truc qui me chiffonne. C’est peut-être le fait que je sois seul au bar. Y’a tellement de monde ici, et pourtant je ne parle à personne. Y’a tellement de monde ici, et personne ne me parle. Pourtant, je n’exclue pas la possibilité d’envoyer chier la personne qui oserait s’approcher de moi. Alors qu’est-ce qui ne va pas ? Marre des mondanités (qui n’en sont même pas, à vrai dire), marre de se retrouver au milieu de gens avec qui tu n’entretiens rien d’autre que des rapports d’une futilité insondable. « Nous sommes tous liés par l’alcool et la potentialité d’une relation sexuelle fantasmée », m’a dit un jour une fille rencontrée dans un bar, justement. En entendant ça, j’ai fini mon verre et je me suis cassé sans lui dire « au revoir ». Arrivé chez moi, je me suis dit qu’au fond elle avait raison. Elle, contrairement à moi, était restée lucide sur l’environnement qu’elle fréquentait. Je me suis senti con d’avoir réagi ainsi.

I don’t wanna party. Ce soir, je reste chez moi.

Quit Your Job

J’ai pris ma décision. Je démissionne. Pour de bon. Et je reviendrai pas en arrière. Le petit jeu des insinuations a assez duré. Aujourd’hui jeudi 27 Février 2006, 9h55. Je rentrerai pas dans l’Histoire pour autant. J’estime juste que j’en ai assez supporté depuis un an et demi.

Pourtant, ce n’était pas faute d’avoir été prévenu. La femme que je remplaçais m’avait mis au parfum, plusieurs fois. « Florian, si tu savais… Cette bon dieu de mégère… Je te souhaite bien du courage… » J’avais pas pris ses paroles très au sérieux à l’époque. En fait j’étais vraiment pressé qu’elle se barre en retraite, son rire de baleine et ses blagues d’un goût plus que douteux résonnant chaque nuit dans mes rêves. Juste casse-toi et laisse-moi tranquille. Secrétaire d’accueil. Répondre au téléphone, vendre divers trucs, classer le bon papelard dans le bon dossier. Un boulot con comme la lune. A mi-temps, en intérim, des horaires relax, un ordi sous les yeux. De quoi pouvoir me permettre de me payer un appart, de la bouffe et des disques tout en ayant du temps pour monter des projets et bouger avec Hyacinth. En plus, l’actuel responsable du service, un type assez antipathique, arrêtait de travailler à la fin de l’année. Je connaissais sa remplaçante, une amie à ma mère, et le courant passait bien. Bref, la planque idéale.

Au début, le travail que j’abattais était irréprochable. Des affaires bien gérées, pas un seul pet de travers, les gens qui se présentaient à mon bureau semblaient, dans leur grand majorité, m’apprécier. Mais ce temps ne dure qu’un temps. La première boulette est arrivée. Le jour de mon anniversaire. Quelques verres de champagne pour fêter ça. Il va bientôt être midi, j’ai encore un truc sur le feu avant de partir en week-end. Je m’exécute sans broncher, le sourire aux lèvres, la tête déjà dans la bière du soir. Deux semaines plus tard, j’en prends pour mon grade. J’avais attribué n’importe comment les sièges dans le train en partance pour Paris. Les salariés ayant participé au séjour manifestent leur colère à raison. J’ai merdé en beauté. Je m’excuse pour le désagrément et fais la gueule toute la journée. Surtout, je me mange une réflexion bien désagréable dans les dents de la part de la comptable.

A partir de ce moment précis, nos relations évoluent insidieusement. Elle était déjà là quand j’ai été mis en poste. C’est elle dont parlait mon ancienne collègue en termes si peu élogieux. Cependant, ce n’est ni ma responsable, ni ma supérieure. Mais ça, je vais avoir tendance à l’oublier au fil des mois qui vont suivre. En effet, depuis mon arrivée je suis dans une position délicate. Ma mère travaille dans l’entreprise à un poste haut placé. Je suis intérimaire, donc potentiellement éjectable si le travail que je fournis ne plaît pas. Pour couronner le tout, je commence à devenir parano. Je me rends compte, depuis cet incident, que je ne suis plus aussi irréprochable que ça. Je laisse passer des erreurs dans les Avis au Personnel, je m’embrouille dans l’état des stocks de places de concerts, j’oublie d’envoyer tel ou tel email. De petites erreurs sans grande conséquence, mais qui ont le don d’agacer l’autre conne au plus haut point. Celle-ci me le fait immanquablement remarquer par de petites phrases assassines, des sous-entendus discrets qui, sur la longueur, ont le don de me foutre le moral à zéro. Merde, un boulot aussi simple, je suis même pas capable de le faire correctement. Je dramatise peut-être pour rien, et ce serait si simple d’oublier ses petits tracas liés au travail si elle n’en profitait pas pour m’humilier devant les clients. Toujours le même procédé. Elle arrive au bon moment, discute 2/3 minutes avec la personne et me balance une réflexion qui fait bien mal ou me donne du travail en plus (je me retrouve à devoir faire 4 choses en même temps, voir plus… faut pas s’étonner si je laisse échapper quelques erreurs).

Alors je me tais et j’encaisse. Pour toutes les raisons que j’ai cité précédemment. Je me projette ailleurs, loin, avec Hyacinth en tournée, avec les copains et les copines en soirées. Mais ça ne suffit pas à m’enlever le parpaing qui grossit au fond de mon estomac. Mon sommeil s’agite, se dérègle. Je dors de moins en moins, de plus en plus mal. Mes sautes d’humeur sont constantes. Il m’arrivait déjà de déprimer, mais là mon cas prend des proportions inquiétantes. Je ne sors même plus les veilles de journées de boulot. Le dimanche devient une épreuve de force. Déjà que j’aimais pas ce jour en particulier, là ça en devient carrément intolérable. Je me lève avec la nausée, traverse mon appartement en pyjama gris trop grand pour moi tel un zombie, attendant avec angoisse que le temps passe, que sonne 22 heures, le moment d’aller se coucher, essayer de trouver le sommeil, dormir quelques heures, histoire de pas faire n’importe quoi le lendemain…

J’en parle à personne. Je fais comme si de rien n’était. Ce qui m’arrive n’est rien en comparaison de ce que subissent des millions de gens à travers le monde. Je suis un privilégié, j’ai pas le droit d’ouvrir ma gueule pour me plaindre. Ou j’aime peut-être bien me faire du mal pour rien.

2006 débute à peine que je suis déjà crevé comme jamais. 8 heures après être rentré de tournée, je suis à mon poste. Poli, frais dispo, la tête dans le boulot. Les fêtes n’ont pas adouci l’humeur de Claudine qui se révèle de plus en plus malfaisante. Ma responsable, Sylvie, ne remarque rien. En même temps, elle a déjà fort à faire avec ses propres dossiers. Début février, c’est l’heure du bilan comptable. Je comprends alors pourquoi l’ambiance dans le bureau de ma chère collègue n’est pas à la rigolade. Sylvie, sur l’impulsion de Claudine, me demande de faire un peu plus d’heures dans le mois, histoire de l’alléger de son travail conséquent. Je m’exécute sans rien dire. L’expert débarque un mercredi et repart dans la journée. Il ne reviendra plus. Je suis pas contre faire quelques heures en plus si ça peut aider, mais faut pas se foutre de ma gueule. Je bous intérieurement en me rendant compte du sale coup de vicelarde qu’elle vient de m’asséner. Le coup de trop. A partir de maintenant, je ne vais plus me laisser faire. Tant pis si ça doit me porter préjudice. Viens, je t’attends.

Elle réagit comme j’avais prévu. Avec sa verve habituelle, elle me fait remarquer qu’il y a des anomalies concernant un dossier. Conscience professionnelle oblige, je vérifie et lui présente les preuves pour infirmer ses dires. Elle m’envoie chier avec la plus grande indifférence qui soit. « Ecoute Florian, j’ai pas le temps pour ces trucs, j’ai beaucoup de travail ». Ouais c’est ça, moi je mange de la viande… Bon, c’était juste un exemple parmi tant d’autres d’une semaine déjà bien remplie de conflits en tous genres. La tension monte un cran au dessus lorsque des ouvriers sont mandatés pour repeindre et replâtrer mon bureau. Je dois vider toutes mes armoires. Je m’exécute. Remarque haineuse. Je la mets à l’amende devant Sylvie. Je vois dans ses yeux qu’elle n’en revient pas. Je la défie avec un sourire narquois. Elle retourne dans son bureau en traînant la patte. Je viens de la blesser. Mais elle va revenir à la charge. Claudine est pleine de ressources et sait attendre son heure. Le jeudi fatidique, la tension atteint des sommets digne du Grand Guignol. Sylvie est en rendez-vous toute la journée, je m’installe dans son bureau pour assurer la permanence du service. Le peintre me demande si je peux lui faire un café. « Bien entendu, tout de suite chef ! ». Dix minutes plus tard, en voyant ce que je viens de faire, Claudine entre dans une colère hystérique.

« C’est mon café ! Tu ne touches pas à mon café ! Non mais tu te crois où ici ? Tu fais un café, tu me demandes d’abord, et si tu m’avais demandé, de toute façon je t’aurais dit non ! »
- Pas la peine de vous énerver, Claudine… Si vous voulez, je vous ramène du café…
- Je m’en fous de ton café ! Je peux m’en payer si je veux ! Tu ne touches plus à mes affaires !
- Excusez-moi Claudine, ça ne se reproduira plus… »

La pauvre reste interloquée. Discussion digne d’un bac à sable. Elle a 55 ans mais en paraît 5, à l’entendre s’exprimer. Je sais qu’elle attendait que je lui réponde, mais elle ne pensait pas que je me tairais aussi vite. J’ai vu que ça l’avait interpellé et qu’elle était repartie dans son bureau sans trop savoir quoi penser de tout ça.

Une heure plus tard, conversation de travail sans intérêt.

« Tu me sors le formulaire bidule ? »
- Tout de suit, Claudine !
- Merci.
- Mais de rien, Claudine !
- Ne prends pas ce ton là avec moi, hein ! Si tu veux jouer au malin tu sais pas à qui tu t’adresses ! J’en ai marre de ton cirque ici t’as compris ? L’histoire du café c’est le truc en trop là ! Ca plus ça plus ça plus ça… C’est bon, ça suffit !
- Oula mais qu’est-ce qui vous arrive Claudine ? Qu’est-ce que j’ai fait pour que vous preniez ce ton agressif avec moi ?
- Tu sais très bien ce que t’as fait, et arrête de faire ton malin avec moi, ça suffit !
- Nan mais expliquez-moi ce que vous me reprochez, ça m’intéresse…
- C’est bon, la discussion est close…
- Ah non, la discussion n’est pas close, vous allez me dire ce qui ne va pas avec moi… »

Elle claque la porte et tourne les talons. Je l’entends marmonner dans l’entrée. J’ai pas envie que ça se termine ainsi. Quitte à provoquer un clash, autant y aller jusqu’au bout. Je me lève de ma chaise et fonce vers son bureau. Le mec qui repeint les murs se demande ce qu’il peut bien se passer en ce moment.

A peine suis-je entré qu’elle s’emballe. Faut que j’arrête mon cinéma, que ça va plus maintenant, que si je cherche à faire le malin je trouverai plus malin que moi, que y’en a marre… Le ton est limite à l’hystérie. Et je sens qu’elle commence à s’inquiéter. Encore une fois, elle ne s’attendait pas à ce que je réagisse de la sorte. Calmement, je lui demande de m’expliquer ce qui ne va pas. Après tout, nous sommes entre adultes. Si il y a un quelconque problème, on peut forcément le régler. J’attends qu’elle me déballe son sac. Au final, je resterai sur ma faim. Elle me reproche deux choses en particulier.

« Arrête de croire que tu es ici chez toi… Ici c’est pas chez toi, y’a rien qui t’appartient… Alors arrête de faire comme si tout t’appartenait… »

« Quand on te demande de faire un truc tu réponds oui, mais tu fais toujours comme tu veux hein… »

Putain, moi qui m’attendais à en prendre plein la gueule…

Je me tais et l’écoute me sermonner mollement puis dévier adroitement du sujet sur lequel je l’avais lancé. Je quitte son bureau en silence. Elle croit que tout est rentré dans l’ordre et qu’elle m’a bien remis à ma place.

9h55, j’appelle ma mère pour lui annoncer que je démissionne. La boîte d’intérim qui m’emploie est mise au courant quelques minutes plus tard. Je décide de passer le reste de la journée comme si de rien n’était. Les clients passent, une après-midi comme tant d’autres.

EPILOGUE

Je suis pas revenu bosser. J’ai pris ma semaine. Apparemment tout le monde me regrette maintenant. J’aurais dû parler de mes problèmes plus tôt. Les syndicats se rendent compte de tout le bordel que cette conne a créé. Des anomalies dans les comptes. Des personnes qu’elle a traité comme des merdes. Elle s’est vue refusée une prime d’ancienneté. On la blâme pour son comportement odieux. Moi je suis déjà passé à autre chose et je m’en branle royalement.

Elle peut crever.

Moi aussi j'ai un blog.

Voilà. C'est con hein, moi qui aime gentiment me foutre de la gueule de ceux et celles qui étalent leurs vies inintéressantes sur des pages web anonymes et froides... Ca m'apprendra.

C'est en parcourant celui de Manu (We're Not In This Alone) que je me suis dit "et pourquoi pas ?". J'avais déjà essayé d'en créer à d'autres adresses mais ça ne m'avait jamais totalement convaincu. Là, au moins, y'avait l'air d'y avoir assez de place pour y foutre toutes mes chroniques de disques en souffrance.

Ouep c'est un problème ça, j'ai presque complètement arrêté d'écrire. Arf, bien quelques textes à droite à gauche, mais rien d'exceptionnel. C'est plus aussi régulier qu'avant. Je pouvais sortir 2 zines de 80 pages en l'espace de 3 mois. Enfin bref, ceci constitue en quelque sorte une résurrection par la petite porte. Je vais poster sur ce blog toute ma production écrite à venir, à savoir mes chroniques, quelques textes persos, voir une ou deux interviews. J'essaierai de faire ça avec le plus de régularité et de dilligence possible. Si tout vas bien, une version papier sortira par la suite. Bah oui, comme Rad Party. Internet punx haha. Nan, de la connerie tout ça, juste l'envie d'essayer autre chose. Si ça me plaît pas, je laisserai tomber.

A bon entendeur...