jeudi, août 31, 2006

Quit Your Job

J’ai pris ma décision. Je démissionne. Pour de bon. Et je reviendrai pas en arrière. Le petit jeu des insinuations a assez duré. Aujourd’hui jeudi 27 Février 2006, 9h55. Je rentrerai pas dans l’Histoire pour autant. J’estime juste que j’en ai assez supporté depuis un an et demi.

Pourtant, ce n’était pas faute d’avoir été prévenu. La femme que je remplaçais m’avait mis au parfum, plusieurs fois. « Florian, si tu savais… Cette bon dieu de mégère… Je te souhaite bien du courage… » J’avais pas pris ses paroles très au sérieux à l’époque. En fait j’étais vraiment pressé qu’elle se barre en retraite, son rire de baleine et ses blagues d’un goût plus que douteux résonnant chaque nuit dans mes rêves. Juste casse-toi et laisse-moi tranquille. Secrétaire d’accueil. Répondre au téléphone, vendre divers trucs, classer le bon papelard dans le bon dossier. Un boulot con comme la lune. A mi-temps, en intérim, des horaires relax, un ordi sous les yeux. De quoi pouvoir me permettre de me payer un appart, de la bouffe et des disques tout en ayant du temps pour monter des projets et bouger avec Hyacinth. En plus, l’actuel responsable du service, un type assez antipathique, arrêtait de travailler à la fin de l’année. Je connaissais sa remplaçante, une amie à ma mère, et le courant passait bien. Bref, la planque idéale.

Au début, le travail que j’abattais était irréprochable. Des affaires bien gérées, pas un seul pet de travers, les gens qui se présentaient à mon bureau semblaient, dans leur grand majorité, m’apprécier. Mais ce temps ne dure qu’un temps. La première boulette est arrivée. Le jour de mon anniversaire. Quelques verres de champagne pour fêter ça. Il va bientôt être midi, j’ai encore un truc sur le feu avant de partir en week-end. Je m’exécute sans broncher, le sourire aux lèvres, la tête déjà dans la bière du soir. Deux semaines plus tard, j’en prends pour mon grade. J’avais attribué n’importe comment les sièges dans le train en partance pour Paris. Les salariés ayant participé au séjour manifestent leur colère à raison. J’ai merdé en beauté. Je m’excuse pour le désagrément et fais la gueule toute la journée. Surtout, je me mange une réflexion bien désagréable dans les dents de la part de la comptable.

A partir de ce moment précis, nos relations évoluent insidieusement. Elle était déjà là quand j’ai été mis en poste. C’est elle dont parlait mon ancienne collègue en termes si peu élogieux. Cependant, ce n’est ni ma responsable, ni ma supérieure. Mais ça, je vais avoir tendance à l’oublier au fil des mois qui vont suivre. En effet, depuis mon arrivée je suis dans une position délicate. Ma mère travaille dans l’entreprise à un poste haut placé. Je suis intérimaire, donc potentiellement éjectable si le travail que je fournis ne plaît pas. Pour couronner le tout, je commence à devenir parano. Je me rends compte, depuis cet incident, que je ne suis plus aussi irréprochable que ça. Je laisse passer des erreurs dans les Avis au Personnel, je m’embrouille dans l’état des stocks de places de concerts, j’oublie d’envoyer tel ou tel email. De petites erreurs sans grande conséquence, mais qui ont le don d’agacer l’autre conne au plus haut point. Celle-ci me le fait immanquablement remarquer par de petites phrases assassines, des sous-entendus discrets qui, sur la longueur, ont le don de me foutre le moral à zéro. Merde, un boulot aussi simple, je suis même pas capable de le faire correctement. Je dramatise peut-être pour rien, et ce serait si simple d’oublier ses petits tracas liés au travail si elle n’en profitait pas pour m’humilier devant les clients. Toujours le même procédé. Elle arrive au bon moment, discute 2/3 minutes avec la personne et me balance une réflexion qui fait bien mal ou me donne du travail en plus (je me retrouve à devoir faire 4 choses en même temps, voir plus… faut pas s’étonner si je laisse échapper quelques erreurs).

Alors je me tais et j’encaisse. Pour toutes les raisons que j’ai cité précédemment. Je me projette ailleurs, loin, avec Hyacinth en tournée, avec les copains et les copines en soirées. Mais ça ne suffit pas à m’enlever le parpaing qui grossit au fond de mon estomac. Mon sommeil s’agite, se dérègle. Je dors de moins en moins, de plus en plus mal. Mes sautes d’humeur sont constantes. Il m’arrivait déjà de déprimer, mais là mon cas prend des proportions inquiétantes. Je ne sors même plus les veilles de journées de boulot. Le dimanche devient une épreuve de force. Déjà que j’aimais pas ce jour en particulier, là ça en devient carrément intolérable. Je me lève avec la nausée, traverse mon appartement en pyjama gris trop grand pour moi tel un zombie, attendant avec angoisse que le temps passe, que sonne 22 heures, le moment d’aller se coucher, essayer de trouver le sommeil, dormir quelques heures, histoire de pas faire n’importe quoi le lendemain…

J’en parle à personne. Je fais comme si de rien n’était. Ce qui m’arrive n’est rien en comparaison de ce que subissent des millions de gens à travers le monde. Je suis un privilégié, j’ai pas le droit d’ouvrir ma gueule pour me plaindre. Ou j’aime peut-être bien me faire du mal pour rien.

2006 débute à peine que je suis déjà crevé comme jamais. 8 heures après être rentré de tournée, je suis à mon poste. Poli, frais dispo, la tête dans le boulot. Les fêtes n’ont pas adouci l’humeur de Claudine qui se révèle de plus en plus malfaisante. Ma responsable, Sylvie, ne remarque rien. En même temps, elle a déjà fort à faire avec ses propres dossiers. Début février, c’est l’heure du bilan comptable. Je comprends alors pourquoi l’ambiance dans le bureau de ma chère collègue n’est pas à la rigolade. Sylvie, sur l’impulsion de Claudine, me demande de faire un peu plus d’heures dans le mois, histoire de l’alléger de son travail conséquent. Je m’exécute sans rien dire. L’expert débarque un mercredi et repart dans la journée. Il ne reviendra plus. Je suis pas contre faire quelques heures en plus si ça peut aider, mais faut pas se foutre de ma gueule. Je bous intérieurement en me rendant compte du sale coup de vicelarde qu’elle vient de m’asséner. Le coup de trop. A partir de maintenant, je ne vais plus me laisser faire. Tant pis si ça doit me porter préjudice. Viens, je t’attends.

Elle réagit comme j’avais prévu. Avec sa verve habituelle, elle me fait remarquer qu’il y a des anomalies concernant un dossier. Conscience professionnelle oblige, je vérifie et lui présente les preuves pour infirmer ses dires. Elle m’envoie chier avec la plus grande indifférence qui soit. « Ecoute Florian, j’ai pas le temps pour ces trucs, j’ai beaucoup de travail ». Ouais c’est ça, moi je mange de la viande… Bon, c’était juste un exemple parmi tant d’autres d’une semaine déjà bien remplie de conflits en tous genres. La tension monte un cran au dessus lorsque des ouvriers sont mandatés pour repeindre et replâtrer mon bureau. Je dois vider toutes mes armoires. Je m’exécute. Remarque haineuse. Je la mets à l’amende devant Sylvie. Je vois dans ses yeux qu’elle n’en revient pas. Je la défie avec un sourire narquois. Elle retourne dans son bureau en traînant la patte. Je viens de la blesser. Mais elle va revenir à la charge. Claudine est pleine de ressources et sait attendre son heure. Le jeudi fatidique, la tension atteint des sommets digne du Grand Guignol. Sylvie est en rendez-vous toute la journée, je m’installe dans son bureau pour assurer la permanence du service. Le peintre me demande si je peux lui faire un café. « Bien entendu, tout de suite chef ! ». Dix minutes plus tard, en voyant ce que je viens de faire, Claudine entre dans une colère hystérique.

« C’est mon café ! Tu ne touches pas à mon café ! Non mais tu te crois où ici ? Tu fais un café, tu me demandes d’abord, et si tu m’avais demandé, de toute façon je t’aurais dit non ! »
- Pas la peine de vous énerver, Claudine… Si vous voulez, je vous ramène du café…
- Je m’en fous de ton café ! Je peux m’en payer si je veux ! Tu ne touches plus à mes affaires !
- Excusez-moi Claudine, ça ne se reproduira plus… »

La pauvre reste interloquée. Discussion digne d’un bac à sable. Elle a 55 ans mais en paraît 5, à l’entendre s’exprimer. Je sais qu’elle attendait que je lui réponde, mais elle ne pensait pas que je me tairais aussi vite. J’ai vu que ça l’avait interpellé et qu’elle était repartie dans son bureau sans trop savoir quoi penser de tout ça.

Une heure plus tard, conversation de travail sans intérêt.

« Tu me sors le formulaire bidule ? »
- Tout de suit, Claudine !
- Merci.
- Mais de rien, Claudine !
- Ne prends pas ce ton là avec moi, hein ! Si tu veux jouer au malin tu sais pas à qui tu t’adresses ! J’en ai marre de ton cirque ici t’as compris ? L’histoire du café c’est le truc en trop là ! Ca plus ça plus ça plus ça… C’est bon, ça suffit !
- Oula mais qu’est-ce qui vous arrive Claudine ? Qu’est-ce que j’ai fait pour que vous preniez ce ton agressif avec moi ?
- Tu sais très bien ce que t’as fait, et arrête de faire ton malin avec moi, ça suffit !
- Nan mais expliquez-moi ce que vous me reprochez, ça m’intéresse…
- C’est bon, la discussion est close…
- Ah non, la discussion n’est pas close, vous allez me dire ce qui ne va pas avec moi… »

Elle claque la porte et tourne les talons. Je l’entends marmonner dans l’entrée. J’ai pas envie que ça se termine ainsi. Quitte à provoquer un clash, autant y aller jusqu’au bout. Je me lève de ma chaise et fonce vers son bureau. Le mec qui repeint les murs se demande ce qu’il peut bien se passer en ce moment.

A peine suis-je entré qu’elle s’emballe. Faut que j’arrête mon cinéma, que ça va plus maintenant, que si je cherche à faire le malin je trouverai plus malin que moi, que y’en a marre… Le ton est limite à l’hystérie. Et je sens qu’elle commence à s’inquiéter. Encore une fois, elle ne s’attendait pas à ce que je réagisse de la sorte. Calmement, je lui demande de m’expliquer ce qui ne va pas. Après tout, nous sommes entre adultes. Si il y a un quelconque problème, on peut forcément le régler. J’attends qu’elle me déballe son sac. Au final, je resterai sur ma faim. Elle me reproche deux choses en particulier.

« Arrête de croire que tu es ici chez toi… Ici c’est pas chez toi, y’a rien qui t’appartient… Alors arrête de faire comme si tout t’appartenait… »

« Quand on te demande de faire un truc tu réponds oui, mais tu fais toujours comme tu veux hein… »

Putain, moi qui m’attendais à en prendre plein la gueule…

Je me tais et l’écoute me sermonner mollement puis dévier adroitement du sujet sur lequel je l’avais lancé. Je quitte son bureau en silence. Elle croit que tout est rentré dans l’ordre et qu’elle m’a bien remis à ma place.

9h55, j’appelle ma mère pour lui annoncer que je démissionne. La boîte d’intérim qui m’emploie est mise au courant quelques minutes plus tard. Je décide de passer le reste de la journée comme si de rien n’était. Les clients passent, une après-midi comme tant d’autres.

EPILOGUE

Je suis pas revenu bosser. J’ai pris ma semaine. Apparemment tout le monde me regrette maintenant. J’aurais dû parler de mes problèmes plus tôt. Les syndicats se rendent compte de tout le bordel que cette conne a créé. Des anomalies dans les comptes. Des personnes qu’elle a traité comme des merdes. Elle s’est vue refusée une prime d’ancienneté. On la blâme pour son comportement odieux. Moi je suis déjà passé à autre chose et je m’en branle royalement.

Elle peut crever.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

bon, je passe sur ton blog, alors quoi ?... je commente, c'est comme ça qu'on fait, non ?
J'ai rencontré énormément de problèmes à mon ancien poste à belfort, je te raconterai à l'occasion.
Juste pour l'anecdote, j'ai quitté ce boulot il y a un an et demi et pourtant, ce matin, j'étais au commissariat pour témoigner de ma non-implication dans une affaire de dégonflage de pneu de la voiture de mon ex-boss.Oui, je sais, ça paraît surréaliste. Il m'a fait chier pendant trois ans, il m'a collé une boule au ventre pendant trois ans, il m'a harcelé, empiété sur ma vie privée... Je me crois sorti d'affaire et pourtant presque deux ans plus tard, je suis obligé de me rendre honteusement chez les flics pour prouver que je ne suis pour rien dans une affaire digne d'une cour de maternelle !
C'est comme ça, les personnes les plus tristes doivent avoir besoin de faire souffrir les autres pour s'assurer qu'il ne sont pas les seuls à en baver.

Bises, courage mon flo

buddy satan a dit…

Merci pour vos deux commentaires les copains. C'est un peu ce que j'attendais de la part des âmes damnées qui ont le malheur de passer ici, se servir de cet espace pour exprimer leur propre ressenti face aux sujets de ces textes.

Anonyme a dit…

Bin merde, tu m'avais bien dit que ça craignait mais là c'est une sombre connasse king size !
allons-y de mes histoires de taf alors.
A peine arrivée depuis 1 semaine dans ma boite que me voilà au centre d'un drame. J'arrive le matin (la dernière comme d'hab) et tout le monde baffre de la tarte qu'a ramenée la femme de ménage. On me propose une part que je décline pour le moment (je viens de déjeuner) mais je propose qu'on le la laisse de côté pour le déjeuner. Avant la fin de la matinée je m'apperçois que mon boss, qui est prétenduement au régime, a barboté ma part. On me dit qu'il y en a une dans le frigo qui est réservée pour la secrétaire qui est en RTT et qui ne l'aura donc que le lendemain. Mais bon, une tarte même au frigo 24h après c'est pas top, là dessus tout le monde est d'accord. Je consulte TOUS mes collègues pour avoir leur avis et tous me dise de bouffer cette fameuse part. Le jour même en fin d'aprèm, la femme de ménage débarque furibarde dans notre open space et pousse sa gueulante. Je me dénonce et lui explique la situation tout en m'excusant en plus. Elle fait mine d'aller engueuler le boss d'avoir bouffé ma part et je crois qu'on en reste là. Sauf que depuis, tout le monde a remarqué qu'elle fait la gueule, que le ménage est pas fait sur MON bureau et comble de la mesquinerie, qq jours + tard, elle refait une tarte qu'elle apporte en fin d'aprèm sauf qu'une collègue me dit "rêve pas" et que qd je descend il y a bien des parts de servies mais pas pour moi. Je fais mine de rien genre "tiens de la tarte, supeeeeeer!" mais elle garde la tête et les yeux baissés et ma collègue me prend par le bras pour partir. Hallu nan ? je me demande aussi comment une nana de + de 50 balais peut avoir un comportement aussi débile. Je me casse le cul a essayer d'avoir une attitude "normale" en ayant un minimum de principes de respect etc pour mon prochain comme on dit mais qd je vois ça des fois je me demande bien pourquoi je me fais chier pour des cons pareils.

Anonyme a dit…

merde ct moi au dessus

Anonyme a dit…

ah Fred, y a le DIF (droit individuel à la formation) auquel tu as droit après 1 an d'ancienneté mais seulement 20h/an et sinon y a donc le CIF (congés individuel de formation)que ton boss ne peut refuser qu'1 fois, tu as le droit de retenter 9 mois après (je sais c long).

Anonyme a dit…

à partir du moment où on est en contact avec des personnes, qu'on a pas décidé de fréquenter, on s'expose à ce genre de choses.
c'est partout la même. faut pas croire , même dans les milieux sensibilisés à pleins de trucs (genre les éducs, les profs, etc...)ça peut se passer de manière hallucinante...

LTMA a dit…

ça me rappelle une affiche

"j'ai pas été au boulot ce matin, je crois que je n'irais pas demain non plus."

en tout cas toujours agréable de te lire.